“Comment accepter que Sandrine Rousseau compare des avocats à des hyènes ?”

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“Comment accepter que Sandrine Rousseau compare des avocats à des hyènes ?”





















La députée Sandrine Rousseau présidait la commission d’enquête sur les violences sexuelles dans le monde culturel.
Xose Bouzas / Hans Lucas

La parole est à l’avocate

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Signataire d’une tribune mettant en garde contre les possibles dérives de la commission d’enquête parlementaire consacrée aux violences sexuelles dans le monde culturel, l’avocate Julia Courvoisier répond à Sandrine Rousseau, présidente de la commission, qui avait qualifié de « hyènes » ses détracteurs.

Je crois que jamais la présomption d’innocence n’a été autant en danger. C’est pourtant la pierre angulaire de notre système judiciaire : si toute personne n’est pas présumée innocente tant qu’elle n’a pas été jugée, c’est qu’elle est présumée coupable. Alors à quoi bon mener des enquêtes pour recueillir des preuves et tenir des procès pour discuter de ces preuves ?

Qu’il soit nécessaire de le rappeler à mes clients ou à des inconnus sur les réseaux sociaux, c’est normal. Mais qu’il faille le rappeler à une députée, je ne m’y attendais pas.

Le 26 mars dernier, j’ai signé une tribune dans Marianne aux côtés de 18 de mes confrères afin de dénoncer le risque de l’arbitraire et de discrédit de certaines commissions d’enquête parlementaires. Et notamment celle qui venait de se tenir sur plusieurs mois, concernant les violences sexuelles dans le milieu culturel. Cette tribune visait à alerter, d’abord sur le risque d’atteinte à la séparation des pouvoirs (lorsque ces commissions d’enquête deviennent de véritables tribunaux accusatoires), ensuite sur les atteintes à la présomption d’innocence constatées lors des questions posées par les parlementaires.

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L’article 51-2 de la Constitution prévoit que « pour l’exercice des missions de contrôle et d’évaluation définies au premier alinéa de l’article 24, des commissions d’enquête peuvent être créées au sein de chaque assemblée pour recueillir, dans les conditions prévues par la loi, des éléments d’information. La loi détermine leurs règles d’organisation et de fonctionnement. Leurs conditions de création sont fixées par le règlement de chaque assemblée ». Ce sont en réalité des instruments d’information et de contrôle nécessaires afin d’orienter l’action du gouvernement ou de faire des propositions de réforme. Nulle volonté de ma part de les remettre en question.

En revanche, et comme cela est indiqué sur le site de l’Assemblée nationale, « la proposition de résolution doit déterminer avec précision soit les faits qui donnent lieu à enquête, soit les services ou entreprises publics dont la commission doit examiner la gestion, même si cette exigence n’est pas très contraignante en pratique. Par ailleurs, conformément au principe de la séparation des pouvoirs selon les termes du Conseil constitutionnel, l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires prohibe la création d’une commission d’enquête lorsque les faits ont donné lieu à des poursuites judiciaires et aussi longtemps que ces poursuites sont en cours. C’est pourquoi le Règlement de l’Assemblée nationale prévoit que le Président notifie la proposition de résolution dès son dépôt au garde des Sceaux. La question de la délimitation précise des domaines respectifs de l’enquête parlementaire et des investigations judiciaires a donné lieu à une jurisprudence complexe ».

Les députés ne sont pas des juges. Point.

Menaces de poursuite

L’objet de cette tribune d’avocats n’était donc, ni plus ni moins, qu’un petit rappel des règles applicables en la matière pour alerter et mettre en garde contre de possibles excès et débordements. Qui, mieux que des avocats, pour rappeler que seule la justice condamne ?

Quelle ne fut donc pas ma surprise d’entendre, quelques jours plus tard, Sandrine Rousseau expliquer à la radio que « si on avait mordu sur le terrain de la présomption d’innocence, si nous avions fait des procès à la place de la justice (..) alors ils [les avocats signataires de la tribune] seraient tombés sur nous comme des hyènes pour invalider le travail de la commission car j’avais le sentiment qu’on attendait que ça ».

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Le ciel m’est tombé sur la tête, d’autant plus que quelques heures plus tôt, j’avais reçu des menaces de poursuites. Comment accepter qu’une députée compare des avocats à des hyènes ? Comment accepter je sois menacée de poursuites par un avocat alors que je n’ai fait que rappeler les règles fondamentales de notre démocratie et défendre l’état de droit ?

On ne luttera pas contre les violences sexuelles en faisant fi de la présomption d’innocence et des règles du procès équitable. Qu’il faille le marteler à une députée, c’est très inquiétant. J’aurai pu rester silencieuse et opposer mon mépris le plus absolu à cette injure aussi crasse que bête. Mais la bêtise est souvent dangereuse. Alors j’ai décidé, au contraire, de prendre la plume et de ricaner un peu. Advienne que pourra.


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