Alors que débutent les discussions sur le budget 2026, l’association Départements de France tape du poing sur la table. Les collectivités ont prévenu qu’elles n’engageront plus de dépenses nouvelles ou supplémentaires, décidées unilatéralement par l’État, sans compensation afférente, dont la hausse du RSA. Comme 71 autres départements, l’Allier a donc décidé de ne pas rembourser à la Caisse d’allocations familiales l’augmentation de 1,7 % du revenu de solidarité active, entrée en vigueur au 1er avril.
« Cela représente un surcoût d’un peu plus d’un million d’euros pour le département. C’est inadmissible, alors que nous avons déjà dû faire des coupes sèches sur le sport, la culture, l’aide aux communes », liste Annie Corne, vice-présidente du conseil départemental de l’Allier.
Pour Frédéric Bierry, président de la collectivité européenne d’Alsace (départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin) qui compte 40 000 foyers au RSA, cette hausse de 1,7% représente 4 millions d’euros.
« Le degré d’irritation est très élevé, à un point jamais atteint. Et nos inquiétudes sont fortes avec le budget à venir. II pourrait y avoir une contestation sans précédent », prévient Frédéric Bierry, également vice-président de l’association Départements de France chargé des politiques sociales.
C’est dans ce contexte chahuté que l’Allier entend d’ailleurs faire entendre sa voix, appelant à une réforme du RSA. Les élus du groupe majoritaire, étiquetés Union républicaine pour le Bourbonnais (URB, centre droit), viennent d’envoyer un courrier en ce sens au Premier ministre, ainsi qu’à la ministre du Travail, aux parlementaires de l’Allier et au préfet.
Dégressivité et sanctions à l’appui
Le département demande la mise en place d’une dégressivité de l’allocation après 36 mois à taux plein. Il souhaite aussi plafonner les aides sociales à 75 % du Smic net et sanctionner fermement les fraudes, en excluant les trafiquants et les travailleurs au noir. Les élus réclament enfin quinze heures d’activité hebdomadaires : travail, insertion, formation ou bénévolat. Une mesure pourtant déjà généralisée depuis le 1er janvier en France, suite au vote de la loi Plein-Emploi de novembre 2023.
« Cela n’est pas vraiment effectif, puisque ce n’est pas encore coercitif. On ne peut rien imposer », s’agace Annie Corne, vice-présidente du conseil départemental de l’Allier.
Le décret définissant le barème de ces sanctions ne devrait, en effet, pas être signé avant juin. Pour cette élue, en charge de l’insertion et de l’emploi dans le département, il est primordial de mettre en place des mesures coercitives pour sortir les bénéficiaires du RSA de leur « dépendance aux allocations ». Et cela doit être combiné à un accompagnement personnalisé, mené conjointement avec les Missions locales et France Travail.
« Tant que ce sera une rente à vie, on n’y arrivera pas. Le but n’est pas de punir les allocataires mais de les ramener à l’autonomie. Ce n’est pas un combat contre les pauvres, c’est un combat contre la pauvreté. Il y a un manque de courage des politiques. Nous nous osons », se défend Annie Corne.
Poids économique du RSA
Selon le département, le RSA est devenu « un mécanisme d’assistance chronique, coûteux pour les finances publiques et inefficace pour l’insertion », se basant sur un rapport de la Cour des comptes, datant de janvier 2022, qui indique que 58 % des personnes au RSA restent très éloignées de l’emploi au bout de sept ans. Quant au poids économique, près de 10 000 personnes perçoivent le RSA dans l’Allier pour un budget annuel avoisinant les 70 millions d’euros (sur un budget total de 540 millions).
« Nous sommes bien conscients qu’on n’en est pas à faire passer une loi, cela ne va pas se faire demain, d’autant plus avec le bazar actuel. Mais nous voulons sensibiliser le national », souligne Annie Corne, vice-présidente du conseil départemental.
Plus nuancé sur le contenu des propositions de l’Allier, notamment à cause de leur faisabilité technique et des disparités de situation, Frédéric Bierry demande, lui, plus de souplesse dans la gestion du RSA. « Les réalités ne sont pas les mêmes selon les territoires, en fonction des possibilités d’emploi, de la population… Ce qui est sûr, c’est que le RSA devrait être une compétence transférée. Là, nous sommes dans un entre-deux : les départements payent l’allocation mais l’État en fixe les règles. Ce n’est plus possible », s’agace le vice-président de l’association Départements de France.
Depuis plusieurs années, les départements alertent en effet sur l’explosion des dépenses sociales, non compensées par l’État. Pour Frédéric Bierri, c’est d’ailleurs la situation budgétaire sans précédent des départements qui amène cette réflexion sur un renforcement des exigences vis-à-vis des bénéficiaires du RSA.
« Nous assistons à un durcissement au sein des collectivités, même celles avec une sensibilité de gauche, car nous sommes dans une impasse financière. Une cinquantaine de départements n’arrivent plus à équilibrer leur budget. Dans mon cas, j’ai dû réduire de 30 millions d’euros notre budget route et je ne pourrai plus sacraliser le budget insertion, l’an prochain, si les recettes n’augmentent pas », explique Frédéric Bierri, président de la collectivité européenne d’Alsace. Et cet élu du centre droit de poursuivre :
« Nos marges de manœuvre sont très faibles sur les aides sociales à l’enfance, aux personnes handicapées et aux personnes âgées. La seule dépense sociale que nous pouvons baisser c’est le RSA, en arrivant à remettre les personnes en emploi. Il faut être dans une logique de fermeté là où il n’y a pas d’obstacle à l’insertion ».
Selon Départements de France, l’action sociale représente près de 70 % des dépenses départementales, contre 55 % il y a dix ans.