Depuis le second semestre 2024, les planètes ne sont pas franchement alignées pour les TPE-PME qui continuent de souffrir d’un vrai manque de visibilité : incertitudes fiscales, budgétaires, récession allemande, menaces de Donald Trump sur les droits de douane contre l’Union Européenne,… La réduction drastique de la commande publique, qui représente environ 8 % du PIB, n’arrange rien.
« Alors que nous étions sur une croissance de 35 % au premier semestre 2024, la dissolution de l’Assemblée nationale a stoppé net cet élan : au mieux, les achats publics sont à l’arrêt, au pire les administrations achètent mais ne paient pas », témoigne Samuel Corgne, fondateur et dirigeant d’Ergosanté, entreprise gardoise spécialisée dans le développement de solutions de travail ergonomiques pour la prévention des troubles musculo-squelettiques.
La neurologie en cheval de Troie
Malgré la conjoncture, Ergosanté (300 collaborateurs) a réussi à clôturer l’année 2024 avec un chiffre d’affaires de 30 millions d’euros, en augmentation de 12 %. Pour compenser la diminution des achats publics représentant 20 à 30 % de son activité, l’entreprise, qui venait d’investir un million d’euros dans un nouvel atelier textile d’ameublement, a choisi de se recentrer sur ses exosquelettes non motorisés.
Au départ dédiées aux travailleurs en situation de handicap, les gammes ont évolué vers des solutions adaptées à tous les salariés de métiers difficiles (BTP, logistique, agriculture). Depuis quatre ans, Ergosanté a écoulé plus de 10 000 exosquelettes mais les champs d’application sont encore très larges selon Samuel Corgne : « Nous allons développer les marchés de niche, en particulier la neurologie, notre cheval de Troie, car 80 % de chirurgiens se plaignent de troubles musculo-squelettiques générés par les postures prolongées et les tensions liées à la nécessaire précision de leurs gestes ».
Pas d’IA
Ergosanté a développé sept modèles sous la marque Hapo et projette d’en lancer cette année trois nouveaux, « plus efficaces, plus légers, plus accessibles », annonce le dirigeant. Pour avoir une bonne visibilité de ses cibles d’utilisateurs, la société a développé une application permettant de détecter les risques potentiels posturaux. Pas question pour autant d’intégrer dans ses exosquelettes de la data ou de l’IA.
« On se retrouverait avec des robots peu fiables, argumente Samuel Corgne. La plupart de nos concurrents sont de jeunes pousses qui veulent créer un produit sexy pour lever des fonds, ce qui n’a aucun sens pour nous. Nos priorités sont l’adaptabilité aux besoins des utilisateurs et des marges convenables (les exosquelettes sont vendus entre 1 500 et 3 000 euros, NDLR).»
Marché américain
Autre levier de développement : l’export. En scellant un partenariat de distribution exclusive puis l’acquisition de l’Américain Nuvo Exo Innovation, Ergosanté a eu le nez creux.
« Les Américains sont pragmatiques au point d’exiger que les produits soient fabriqués dans leur pays, constate le dirigeant. Ce marché, encore embryonnaire (1 million d’euros de chiffre d’affaires, NDLR) va être stratégique dans les cinq prochaines années et pourrait représenter 50 % de notre activité. »
Ergosanté structure également ses forces de vente (recherche et formation de distributeurs) sur l’Europe, le Canada et l’Amérique du Sud : « Pas de risque inconsidéré pour 2025, car pas mal de nuages s’amoncellent sur le plan politique et nous avons avant tout besoin de stabilité », avertit néanmoins Samuel Corgne.