En mobilisant une enveloppe de 2 millions d’euros supplémentaires auprès de ses investisseurs historiques – The Yield Lab Europe et la Caisse d’Epargne Côte d’Azur – auxquels s’est adjoint Go Capital via son fonds dédié à l’océan, Biocéanor poursuit son objectif : s’amarrer plus fortement encore au marché aquacole en renforçant les positions acquises ces 18 derniers mois en Norvège et au Chili.
Il faut dire que la bluetech basée à Sophia Antipolis et Toulon est spécialisée dans les services de prédiction de la qualité de l’eau et des interactions avec les productions aquacoles, un sujet peu couvert par une industrie qui se distingue pourtant par sa course à l’innovation. « Le marché de l’aquaculture est en plein essor, il est mouvant et en constante innovation du fait d’une industrie très digitalisée. Dans les grands pays producteurs, tout est piloté à distance depuis un centre de contrôle, rien depuis la ferme. Nous sommes très loin des élevages aquacoles français encore très artisanaux », explique Samuel Dupont, président et co-fondateur de l’entreprise. De ce fait, si les innovations sont nombreuses, « elles ne s’intéressent pas forcément à la qualité de l’eau ni à l’interaction entre celle-ci et les élevages. » D’où la percée de la start-up sur ce marché, qui y réalise 80% de son chiffre d’affaires (non communiqué), en alliant des compétences océanographiques, métiers et de machine learning.
Marchés leaders
Née en 2018, Biocéanor développe en effet un logiciel permettant de prédire la qualité de l’eau à partir d’un éventail de données issues du terrain, des satellites, de la météo et de modèles océanographiques. « A partir de là, nous sommes capables de fournir des indications sur l’évolution de certains paramètres clés dans le temps, comme l’oxygène par exemple, et accompagner nos clients via des outils d’aide à la décision afin d’anticiper les risques identifiés », détaille le dirigeant. Une solution déployée en Norvège et au Chili, deux marchés leaders qui couvrent à eux seuls 75% de la production mondiale du saumon atlantique, qu’il s’agit désormais de renforcer. Et ce, en montant en puissance au sein des acteurs de la filière déjà clients qui disposent de nombreuses fermes dans tous les pays producteurs. C’est ainsi que la biotech d’une vingtaine de personnes a abordé l’Ecosse, autre place forte du saumon d’élevage, où elle entend aussi accélérer. « Il s’agit de répondre à trois grands enjeux autour de la durabilité des élevages », résume Samuel Dupont. Autrement dit, « mieux produire en respectant l’environnement, mieux produire en respectant le cycle de vie de l’animal, et mieux produire en exploitant les massives données disponibles pour gagner en rentabilité ».
Diversification vers les rejets industriels
En Australie, où Biocéanor est présente à travers un partenariat avec le CSIRO, l’agence de recherche scientifique australienne équivalente au CNRS en France, dédié à l’exploitation des données satellitaires. Une première incursion qui en appellerait d’autres. « Nous regardons ce pays de près, notamment son industrie minière », indique Samuel Dupont. Car Biocéanor entend diversifier ses marchés. Si l’aquaculture reste prioritaire, la bluetech travaille à la structuration d’une nouvelle business unit consacrée aux rejets industriels. Un sujet défriché auprès de Véolia pour anticiper les risques liés aux stations d’épuration, qu’elle entend élargir à l’ensemble des industries amenées à traiter et à rejeter l’eau dans le milieu naturel, qu’elles soient pharmaceutiques, alimentaires, nucléaires ou donc minières. « L’idée consiste à se servir d’une petite partie des fonds levés pour explorer ce domaine d’activité et disposer d’ici à 2 ans d’une offre structurée sur un marché où la concurrence, composée essentiellement de bureaux d’études, se concentre sur les études d’impact plutôt que sur des outils opérationnels. » Comme sur le marché de l’aquaculture, Biocéanor entend ici jouer une partition différente et ainsi prendre position. Ce qui supposerait d’opérer une nouvelle levée de fonds dans 12 à 24 mois.