Le Canada riposte contre les États-Unis. Le pays a déposé plainte devant l’Organisation mondiale du commerce contre les droits de douane de 25 % instaurés par l’administration Trump sur l’essentiel de ses produits importés sur le sol américain. Un responsable de cette organisation, basée à Genève en Suisse, a confirmé ce mercredi le dépôt de cette plainte.
« J’ai demandé des consultations à l’OMC avec le gouvernement des États-Unis au sujet de ses droits de douane injustifiés sur le Canada », a indiqué la veille l’ambassadrice du Canada, Nadia Theodore, dans un message sur le réseau social LinkedIn. Et de justifier : « La décision des États-Unis ne nous laisse pas d’autre choix ».
La diplomate a pris soin de souligner dans son message qu’elle portait, pour l’occasion, un costume de Lesley Hampton, une créatrice de mode canadienne issue d’une des Premières Nations (terme désignant les peuples autochtones du Canada), en l’occurrence le peuple Anishinaabe. Un geste qui s’inscrit dans le mouvement encourageant les Canadiens à acheter les produits locaux plutôt qu’Américains. Nadia Theodore a en outre signé son message de la formule « Elbows up », un cri de ralliement et de résistance qui vient du hockey.
Le Canada taxe aussi les États-Unis
La réponse canadienne ne s’arrête pas là. Le pays a annoncé mardi une série de mesures à l’encontre de son voisin, arguant que sa survie économique et son indépendance étaient en jeu. Notamment des taxes douanières elles aussi de 25 %, sur un total de 155 milliards de dollars canadiens (98 milliards d’euros) d’importations de produits américains. Concrètement, ce taux est en vigueur depuis mardi sur 30 milliards de marchandises provenant des États-Unis. Et les 125 milliards restants entreront en vigueur après une période de consultation de 21 jours. Une mesure qui restera en place tant que les États-Unis maintiendront leurs droits de douane, a prévenu le Premier ministre canadien Justin Trudeau.
Dans le même temps, plusieurs provinces canadiennes ont pris leurs propres mesures. Dont l’Ontario et le Québec, les deux plus peuplées du pays, qui ont annoncé retirer l’alcool américain de leurs magasins d’État. « C’est un énorme coup dur pour les producteurs américains », a déclaré Doug Ford, le Premier ministre de l’Ontario. Il a rappelé que, chaque année, la régie de la province vend pour près d’un milliard de dollars canadiens d’alcool en provenance des États-Unis.
Le dirigeant de l’Ontario a aussi annoncé une surtaxe de 25 % sur les exportations d’électricité de cette province vers trois États américains (le Michigan, New York et le Minnesota). Sachant qu’il avait déjà précédemment banni les entreprises américaines des appels d’offres publics de son territoire. Le Québec a d’ailleurs aussi l’intention de s’attaquer aux entreprises américaines candidates pour des contrats publics en leur appliquant une pénalité de 25 %.
Vers un apaisement côté américain ?
Le dépôt de cette plainte et ces nouvelles mesures interviennent alors que le gouvernement américain a semblé, mardi, ouvrir la porte à un compromis avec le Canada — tout comme avec le Mexique d’ailleurs, qui s’est aussi vu imposer des tarifs douaniers de 25 %. Le secrétaire américain au Commerce, Howard Lutnick, interrogé sur Fox Business, a en effet expliqué avoir « échangé au téléphone avec les Canadiens et les Mexicains toute la journée ». « Le président est à l’écoute (…). Je pense qu’il finira par trouver une solution avec eux », a-t-il avancé. Selon lui, une décision pourrait justement intervenir ce mercredi.
Des propos qui tranchent néanmoins avec ceux tenus par Donald Trump. Mardi, le dirigeant américain a menacé d’aller plus loin sur les importations canadiennes si Ottawa mettait en place des mesures de représailles. Puis, face au Congrès, il a maintenu sa volonté sur le sujet des droits de douane, rappelant qu’ils allaient « rendre les États-Unis de nouveau riches et grands ». « Cela va se produire et même plutôt rapidement », a-t-il affirmé, en reconnaissant néanmoins qu’il y aurait « quelques perturbations ». « Mais nous sommes d’accord avec ça », a-t-il prévenu. La question est donc loin d’être réglée.
La Chine aussi porte plainte à l’OMC
Pékin a annoncé mardi avoir aussi déposé une nouvelle plainte auprès de l’OMC contre les États-Unis concernant les augmentations supplémentaires de droits de douane imposées sur les produits chinois. Car lundi, Donald Trump a signé un nouveau décret les relevant à 20 %, après une première hausse de 10 % en février qui avait déjà déclenché une plainte de Pékin auprès de l’OMC. Un responsable de l’OMC a confirmé à l’AFP que la nouvelle plainte de la Chine a bien été reçue.
« Les mesures fiscales unilatérales des États-Unis violent gravement les règles de l’OMC et sapent les fondements de la coopération économique et commerciale sino-américaine », a déclaré le ministère chinois du Commerce dans un communiqué, ajoutant qu’il était « fortement mécontent et fermement opposé » à ces droits de douane.
Différentes étapes sont prévues pour régler un différend à l’OMC. En cas de plainte, des consultations sont engagées entre les parties. Si aucun accord n’est trouvé, le plaignant peut demander l’établissement d’un groupe spécial, formé de trois — voire cinq — experts. Les pays peuvent ensuite faire appel de leur décision.
Reste que l’organe d’appel, composé de spécialistes du droit et du commerce international, n’est plus capable de traiter de nouveaux dossiers depuis décembre 2019. Car des sièges de juges demeurent vacants à la suite du blocage des nominations… par les États-Unis. Une pratique qui ne date toutefois pas d’hier puisqu’initiée sous l’administration de Barack Obama, puis poursuivie par celles de Donald Trump et de Joe Biden.
(Avec AFP)
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