Après des turbulences et un risque de fermeture, l’aéroport de Périgueux-Bassillac, en Dordogne, reste finalement en activité. Depuis le 1er avril, Edeis est en charge, pour cinq ans, de la gestion et du développement de cette plateforme aéroportuaire dans laquelle ont investi in extremis des chefs d’entreprises locaux après le retrait de l’agglomération de Périgueux. « Je suis très heureux que l’on ait pu réussir ce sauvetage », salue Christophe Fauvel, le président de la CCI de la Dordogne.
Changer de modèle
« L’arrêt de la liaison directe avec Paris et donc du trafic commercial a pu donner l’impression aux acteurs du territoire que cette plateforme n’avait pas d’avenir. De fait, ce type de liaison n’a pas vocation à revenir à l’aéroport de Périgueux », explique Martin Meyrier, directeur général d’Edeis. Le nouveau gestionnaire va en revanche miser à Périgueux sur le développement de l’aviation d’affaires mais aussi la valorisation domaniale via la commercialisation d’espaces.
« Certains aéroports doivent faire évoluer leur modèle parce que leur environnement a changé. L’un des leviers souvent sous-estimé est leur foncier », commente Martin Meyrier. Dans la région, l’aéroport d’Angoulême a de son côté réorienté sa stratégie sur le développement d’un volet formation avec l’arrivée dès 2022 du campus Airbus Flight Academy, filiale à 100 % Airbus.
Mailler le territoire régional
Si l’enjeu d’un repositionnement stratégique est grand, c’est parce qu’« un aéroport qui ferme est un aéroport qui ne rouvrira pas », insiste Martin Meyrier, dont l’entreprise exploite désormais 19 plateformes secondaires dont Le Mans, Calais, Angers et Lorient. Or, pour Edeis comme pour Thomas Juin, le directeur général de l’aéroport de La Rochelle et président de l’Union des aéroports français (UAF), ces aéroports de proximité ont de l’avenir. « Ils permettront à l’aviation décarbonée de voler et de relier des villes sur des courtes distances que nous n’imaginons pas aujourd’hui », explique-t-il.
« Les plateformes aéroportuaires ont aussi un rôle d’aménagement du territoire », ajoute Mathieu Bergé, conseiller régional en charge des aéroports. Sur les onze aéroports régionaux de Nouvelle-Aquitaine, la collectivité participe à la gouvernance de six plateformes jugées stratégiques. Dopé par la clientèle britannique avec neuf liaisons vers le Royaume-Uni, Bergerac présente un intérêt touristique évident, tout comme La Rochelle. Brive et Limoges jouent un rôle de désenclavement, tandis que Biarritz et Pau mixent tourisme, business et désenclavement avec des trajectoires diamétralement opposées malgré la relance récente d’une liaison entre Pau et Roissy.
Le seuil du million de passagers
« L’aéroport de La Rochelle va très bien ! », souligne Thomas Juin qui constate depuis deux ou trois ans une augmentation de l’usage de l’avion par la clientèle locale. « C’est assez exceptionnel, nous avons connu une progression du trafic de plus de 19 % en 2024 pour nous rapprocher des 300.000 passagers », témoigne Thomas Juin.
Pas suffisant toutefois pour être à l’équilibre. « Les aéroports commerciaux qui n’arrivent pas au petit million de passagers ont besoin de subvention », confirme Mathieu Bergé. Ainsi, en Nouvelle-Aquitaine, seuls Bordeaux et Biarritz sont à l’équilibre. « Mais à partir du moment où ces plateformes gardent un rôle stratégique, les contributions restent cohérentes », justifie le conseiller régional, avant de rappeler que la participation de la région à la politique aéroportuaire s’élève à 6,5 millions d’euros par an, contre 350 millions pour les trains.
Changer de fiscalité
La région pointe en revanche du doigt le désengagement progressif de l’Etat sur les lignes d’aménagement du territoire. Deuxième obstacle : la taxe de solidarité sur les billets d’avion instaurée en 2025. « Nous ne sommes pas contre le principe de cette taxe mais il y a un effet pervers : les compagnies low cost affectées pourraient bien décider de quitter les petits aéroports », alerte Mathieu Bergé. Ce qui pourrait mettre en péril certaines de ces plateformes, très dépendantes des compagnies à bas coût,
Thomas Juin ne dit pas autre chose. « Le sujet n’est pas celui du changement de modèle mais d’avoir une fiscalité qui permette à ces aéroports régionaux de commercer dans des conditions compétitives par rapport à leur voisins européens. C’est un peu facile de transférer la responsabilité du devenir des aéroports régionaux aux collectivités et de mettre ensuite un boulet fiscal ! »
Car si l’impact ne se fera pas sentir sur cette saison printemps-été, il craint en revanche des départs de compagnies des petits aéroports à compter du programme automne-hiver et surtout en 2026. « Il risque d’y avoir des arbitrages dans le choix des lignes par les compagnies, en défaveur de la France », prévient Thomas Juin.