Evalué à 782 millions de dollars en 2024, le marché des microalgues, dominé par l’Amérique du Nord (37,45 % en 2023), pourrait presque doubler d’ici 2030 (selon Business Insight). Premiers maillons de la chaîne alimentaire, les microalgues produisent la moitié de l’oxygène sur terre et jouent également, grâce à la photosynthèse, un rôle de fixateur de dioxyde de carbone (CO2). Leur capacité à produire de la biomasse, notamment des lipides, protéines et glucides, offre un potentiel considérable dans les domaines des biocarburants, de l’industrie alimentaire, pharmaceutique ou cosmétique.
En Occitanie, une vingtaine de laboratoires, soit une quarantaine de chercheurs, travaille sur les micro-organismes dans leur milieu naturel, aux côtés de deux entreprises pionnières, Greensea et Microphyt.
Dépollution
A Sète (Hérault), l’Unité mixte de recherche Marbec étudie, en milieu naturel, les interactions des microalgues avec différents perturbateurs – lumière, température, acidification de l’eau, algues toxiques – et leur capacité à dépolluer.
« Les microalgues produisent des molécules d’intérêt pouvant participer au recyclage des effluents aquacoles, l’aquaculture et notamment la pisciculture induisant de nombreux rejets, synthétise Eric Fouilland, directeur de recherche au CNRS. Nous travaillons également sur la dépollution d’effluents salés, sur la maîtrise de la culture de microalgues à grande échelle, et sur la capacité des microalgues à dégrader des contaminants potentiels, au même titre que des bactéries. »
Depuis une dizaine d’années, les laboratoires TBI (Toulouse) et LBBM (Banyuls) mènent d’ailleurs de nombreux travaux en biotechnologies, démontrant la capacité des microalgues à assainir l’environnement, en particulier pour éliminer des métaux lourds dans des eaux polluées. Quant à la perspective de produire des carburants durables à partir de microalgues, elle fait rêver les chercheurs. Mais ce n’est pas si simple.
« L’utilisation des microalgues à des fins industrielles, notamment pour les biocarburants, a commencé aux Etats-Unis dans les années 1950, rappelle Eric Fouilland. Mais les coûts de production élevés, associés à des process n’ayant pas un bilan énergétique positif (la culture des microalgues nécessite de l’eau, délétère pour les carburants, NDLR), freinent encore le développement de l’offre. »
Une algothèque de plus de 400 souches
Riches en acides gras polyinsaturés essentiels (omega-3, omega-6), les microalgues semblent être une ressource d’avenir sur le plan nutritionnel, et plus globalement la santé. Reste à maîtriser les process. Filiale du groupe auvergnat de biotechnologies Greentech, Greensea a plus de trente ans d’expertise dans la transformation des microalgues en ingrédients actifs innovants pour les marchés de la cosmétique (60 %), de la santé (10 %), de la nutrition animale (10 %) et de l’agronomie (20 %).
L’entreprise (17 salariés, 1,5 million d’euros de chiffre d’affaires), qui gère une « algothèque » de plus de 400 souches (microalgues et cyanobactéries), vient d’investir sa nouvelle bioraffinerie sur l’écosite de Mèze (Hérault), au cœur du pôle économique bleu dédié aux filières marines et durables.
« Dotée d’une halle de production et d’un laboratoire R&D, et associée aux 400 m2 de production de microalgues, cette bioraffinerie va permettre d’accroître notre capacité à produire des molécules à haute valeur ajoutée, indique Eric Causse, directeur adjoint et directeur commercial de Greensea. D’un point de vue environnemental, nous allons être capables de valoriser l’intégralité des coproduits issus de l’extraction. »
Avec ce projet, Greensea compte doubler son chiffre d’affaires en cinq ans et devrait recruter une quinzaine de collaborateurs.
Sommeil, peau, cuir chevelu…
Toujours dans l’Hérault, Microphyt (60 collaborateurs, 2,5 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2024), créée en 2007, a breveté sa technologie hydro-biomimétique et s’est spécialisée dans la production, à grande échelle et de façon durable, d’ingrédients naturels issus de microalgues. Lauréate de l’appel à projet « Première usine » de France 2030, la greentech fournit aujourd’hui ses ingrédients à une cinquantaine d’industriels de premier plan dans les domaines de la nutrition (compléments alimentaires) et de la cosmétique. Les bioactifs mis sur le marché sont tous objectivés scientifiquement, des études cliniques démontrant par exemple les bienfaits dans l’amélioration du sommeil, la régulation de la peau, le rééquilibrage du cuir chevelu, l’équilibre du microbiote intestinal ou encore la performance cognitive.
Dans la continuité de sa levée de fonds de 15 millions d’euros, réalisée en 2022 auprès du fonds d’investissement de L’Oréal, Microphyt vient de lancer un nouveau plan d’investissement de 15 millions d’euros portant sur les trois ans à venir. Objectifs : poursuivre le développement du site, doubler la capacité de production, booster le pipeline commercial (particulièrement aux Etats-Unis) et accompagner ses partenaires ayant des besoins spécifiques en R&D.
« De par leur diversité, leur caractère sociétal et la modularité des systèmes (production de plusieurs espèces simultanément, NDLR), les microalgues sont des matières premières extraordinaires pour soutenir le changement global vers le naturel et le durable », assure Vincent Usache, directeur général Microphyt
Avec leur potentiel, les microalgues deviendront-elles le nouvel or vert de la région Occitanie ? Ils sont de plus en plus nombreux à le croire.