Souvent remis en cause après ses erreurs ou son manque d’impact dans les grands matchs de Ligue des champions, le gardien italien vient d’enchaîner de grosses prestations dans la plus grande des compétitions, alors que son équipe tanguait. Contre Arsenal, il devra faire au moins aussi bien.
Sans lui, le PSG aurait peut-être craqué contre Liverpool à Anfield, perdu sa séance de tirs au but ou sombré à Villa Park, quand son équipe prenait l’eau contre Aston Villa. Il s’agit bien de fiction mais Gianluigi Donnarumma a été l’un des personnages principaux de ces deux soirées brûlantes pour Paris en Ligue des champions, qui lui permettent de se retrouver aujourd’hui à jouer une place en finale face à Arsenal.
En cette fin de saison, dans les gros rendez-vous, l’Italien n’a pas déçu, contrairement aux années précédentes où une sortie, une relance, une faute de main braquaient les projecteurs sur lui. Lors des récentes éliminations contre Dortmund ou le Real Madrid, il était souvent pointé du doigt. Cette fois, il l’est pour de bonnes raisons.
Très fort lorsqu’il est sollicité
Les deux rencontres marquantes de la saison de Gianluigi Donnarumma ont donc eu lieu en Angleterre. À Liverpool, s’il n’a effectué “que” deux arrêts, le portier parisien a essuyé 19 tirs, boxé onze ballons et gagné la séance de tirs au but. À Birmingham, ses cinq arrêts, dont certains spectaculaires (devant Rashford ou Tielemans), ont aussi impressionné.
“Le PSG joue contre des équipes qui ont des occasions et il a beaucoup plus de possibilités de se mettre en avant”, pose le gardien champion du monde 1998 Lionel Charbonnier.
Effectivement, sur les deux derniers matchs en Angleterre, Paris a subi 35 tirs en cumulé sur les 98 essuyés lors de toute la campagne de Ligue des champions. “Il y a deux sortes de gardiens: ceux qui sont performants quand ils sont sollicités, et ceux qui vont avoir un seul arrêt à faire par mi-temps et il faut absolument le faire, c’est beaucoup plus compliqué, poursuit Charbonnier. Là, il a simplement beaucoup plus de travail”.
D’autant que le meilleur joueur de l’Euro 2021 a toujours été performant sur sa ligne. “Il y a ces moments où tu sais que rien ne peut t’arriver, ajoute Pascal Olmeta, ancien portier de l’OM. Je pense que c’est ce qu’il ressent. Tu es plus fort et ça ne tient à rien, un ballon que tu penses ne pas avoir mais que tu as, des poteaux…” Plus récemment, sa parade devant Castelletto contre Nantes et sa célébration ensuite ont montré son niveau de confiance sur ces situations de duels.
Plus sûr dans les airs, meilleur au pied
Les principales lacunes du portier concernaient deux secteurs: son jeu au pied et ses sorties aériennes. Concernant le premier, “Gigio” a réussi 86% de ses passes en Ligue des champions. Un total très respectable. “Avec les pieds, même s’il perd un ou deux ballons dans le match il a beaucoup progressé, constate Olmeta. Avant, les défenseurs lui mettaient le ballon avec la peur, aujourd’hui ils sont tranquilles”.
S’il privilégie les transmissions vers son côté gauche, le numéro 1 réussit à toucher quasi toutes les zones, notamment celles de ses latéraux. Le bémol reste les passes longues. Il en a réussi 60 sur les 110 tentées en Ligue des champions. “Je trouve que Luis Enrique a aussi adapté son jeu, avance Charbonnier. Maintenant, quand ils sont dans l’axe avec un gros pressing adverse, ils vont directement essayer de toucher les milieux, sans passer par le gardien”.
Concernant son jeu dans les airs, même si Paris reste très perfectible dans ce domaine, Donnarumma n’hésite plus comme avant. La preuve avec ces onze ballons boxés lors du match retour contre Liverpool. Même si ce n’est pas toujours académique, l’Italien sort souvent sur ses six mètres pour dégager, rarement pour capter le ballon. “Il sort au poing. Ce n’est pas parce que tu fais deux mètres que tu vas l’avoir, explique Olmeta. Si tu n’es pas bien positionné dans ton but… Avant il avait moins la confiance et ses défenseurs reculaient”. Aujourd’hui, ils le protègent.
Fort malgré la concurrence
Luis Enrique aussi l’a toujours protégé, publiquement, en conférence de presse. Il a même qualifié de “sensationnelle” sa prestation à Villa Park. Mais Gigio avait parfois été laissé sur le banc en début de saison, en championnat mais surtout en Ligue des champions contre le Bayern Munich (défaite 1-0). Son concurrent, Matvey Safonov, n’avait pas saisi sa chance.
“On peut se dire que pour le faire progresser, il faut des prises de conscience”, pose Denis Troch.
Cet ancien gardien de but passé par le PSG (aucun match pro), le PFC ou encore le Red Star est aujourd’hui préparateur mental. “Ces prises de conscience arrivent quand on est suspendu, qu’on ne joue pas ou qu’on est remplaçant. Cela fait prendre conscience publiquement qu’on a des manques. C’est ce qu’a fait Luis Enrique”. Cela pouvait être à double tranchant mais Donnarumma a bien répondu. “Je pense qu’il est solide mentalement et il l’a prouvé, ajoute Denis Troch. Dans le choix du coach, il y a toujours des risques, mais c’est normal. La prise de risque fait partie de l’apprentissage. Quand on est sportif, on ne se pose pas la question de savoir si ça va tomber sur le côté pile ou face, la seule chose est de vouloir avancer”.
Depuis, le gardien semble surfer sur une vague de confiance quasiment jamais connue à Paris même s’il reste faillible, en témoigne le match contre Nice ce week-end (défaite 3-1). “C’est un tout. La confiance, c’est aussi celle que tu donnes aux autres, que les autres t’apportent, la confiance en la situation grâce à des matchs références avant… Et quand l’équipe commence à prendre confiance, chaque individu le fait, on appelle ça le levier de la confiance et tout le monde a confiance en les autres, en la hiérarchie, en le staff et on arrive en confiance générale”.
Donnarumma peut-il être le joueur majeur de la fin de saison? “Il peut être un des hommes clés, car il va être canardé, mais si tu veux aller loin il faudra aussi des hommes clés dans les autres lignes”, tempère Lionel Charbonnier. Face à une équipe d’Arsenal en forme et redoutable sur coups de pied arrêtés, rééditer ses performances européennes sera le minimum pour le gardien parisien.