On les disait démissionnaires, désabusés, voire fâchés avec le travail. Pourtant, le dernier rapport de l’Institut Montaigne, pour lequel 6 000 jeunes de 16 à 30 ans ont été sondés, met à mal ces idées reçues.
Un blason redoré, non pas pour une, mais pour des jeunesses, comme le souligne le think tank parisien. Après un premier rapport en 2022 sur une « jeunesse plurielle » centré sur les 18-24 ans, l’Institut Montaigne élargit son regard. Le rapport d’avril analyse trois étapes professionnelles clés des jeunes : les « scolaires et étudiants » (16-22 ans), les « actifs précoces » (19-22 ans) et les « actifs avancés » (25-30 ans).
Le constat a de quoi surprendre : une jeunesse motivée par l’argent ? Peut-être. Attachée à sa qualité de vie ? Assurément. L’argent et le luxe arrivent en tête des aspirations, mais c’est surtout la qualité de vie au travail qui s’impose comme la vraie priorité. Les jeunes veulent vivre mieux, pas seulement gagner plus. Deux grands oubliés persistent pourtant : les femmes et l’écologie.
Luxe, calme et volupté
À l’image de leurs aînés, la grande majorité des jeunes affichent un attachement profond au travail. Ainsi, 80 % des jeunes actifs déclarent qu’ils continueraient à travailler même sans contrainte financière. Mais pas à n’importe quelles conditions. Si la rémunération reste prioritaire, la qualité de vie au travail, à savoir le respect de l’équilibre professionnel/personnel, l’absence de stress et les perspectives d’évolution, pèse tout autant.
Logiquement, au regard de leurs attentes en matière de rémunération et de qualité de vie, certains secteurs font davantage rêver les jeunes. Le luxe, avec ses grandes maisons tricolores iconiques comme LVMH et ses salaires supposés attractifs, exerce une fascination chez les jeunes.
De l’autre côté, l’administration et la fonction publique séduisent tout autant, et ce pour leur capacité à offrir un équilibre entre travail et qualité de vie. « Ce n’est pas tant la stabilité du fonctionnariat, mais bien l’opportunité de concilier activité professionnelle et bien-être qui attire », comme l’explique Marc Lazar, expert associé de l’Institut Montaigne, au micro de France Inter, lundi 29 avril.
En revanche, grande surprise concernant l’environnement, qui se classe en avant-dernière position parmi les quinze critères d’aspiration des jeunes. Pour Marc Lazar, « ce n’est pourtant pas une totale surprise, étant donné que la responsabilité sociale et environnementale (RSE) des entreprises n’était déjà pas une priorité dans l’enquête “jeunesse plurielle” de 2022 ». Selon l’expert du Think Tank, « il y a souvent un effet de loupe sur les jeunes des grandes écoles » dans les différentes études publiées sur le sujet.
Des leçons de management à tirer pour les employeurs
Contrairement à certaines idées reçues, les jeunes n’expriment pas un rejet généralisé de l’autorité hiérarchique. 90 % d’entre eux l’acceptent sans réserve ou lorsqu’ils sont convaincus. Pour Marc Lazar, l’expert de l’Institut Montaigne, ce constat s’inscrit dans une nouvelle réalité du marché du travail : « Auparavant, dans un contexte de crise, avec un marché du travail pressuré, on a souvent dit que les jeunes critiquaient l’autorité, mais c’est faux. Désormais avec un soubresaut de relance économique et un chômage en baisse, si vous voulez que les entreprises innovent et s’adaptent : écoutez-les jeunes ! »
Ainsi, si l’appréciation globale du management au sein des entreprises est plutôt positive, près d’un tiers des jeunes estime que leur entreprise ne déploie pas les efforts nécessaires en matière de satisfaction et de qualité de vie au travail. Le fossé entre attentes et réalité en matière de bien-être au travail alimente un profond sentiment d’insatisfaction pour la jeunesse qui souffre d’une mauvaise orientation.
Un signal pour les pouvoirs publics : l’orientation et les femmes
Selon le rapport de l’Institut Montaigne, l’orientation reste un point de friction majeur pour la moitié des jeunes qui se disent insatisfaits de leur orientation. Et ce constat s’aggrave au fil du temps puisque le taux d’insatisfaction passe de 18 % chez les étudiants à près de 30 % chez pour les 25-30 ans.
Alors que l’on pourrait s’attendre à ce que les jeunes les plus diplômés soient les plus satisfaits, l’échec de l’orientation existe aussi chez les étudiants en sciences humaines et sociales (SHS : lettres, sociologie, histoire). Confrontés à des débouchés professionnels qui ne correspondent pas à leurs attentes, 27% des jeunes issus de ces filières expriment une forte insatisfaction professionnelle.
Enfin, au moment de l’orientation, 71 % des jeunes déclarent que leur principal soutien a été… leur mère. Mais bien que les mères jouent un rôle déterminant lors de l’orientation, le rapport pointe aussi une autre réalité plus sombre pour la gent féminine.
Surreprésentées dans les filières de services, les jeunes femmes sont également plus exposées aux violences en entreprise. Sans préciser le ratio homme/femme exposés aux violences, le rapport de l’Institut Montaigne indique que 27 % des jeunes actifs déclarent avoir subi du harcèlement moral, et 9 % du harcèlement sexuel. Un constat alarmant qui doit résonner comme un signal d’alarme pour les pouvoirs publics.
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Valentine Roux