La décision était scrutée par les partisans et les opposants au chantier de l’A69. Le Conseil constitutionnel a déclaré conformes, ce mercredi matin, les dispositions du code de l’environnement qui permettent de reconnaître par décret « le caractère de projet répondant à une raison impérative d’intérêt public majeur » (RIIPM) à un « projet d’intérêt national majeur pour la transition écologique ou la souveraineté nationale ». Cette reconnaissance permet notamment de délivrer une dérogation aux mesures de protection des espèces et des habitats naturels.
Pour rappel, c’est sur cette disposition que s’est appuyé le tribunal administratif de Toulouse pour annuler le chantier de l’A69. Afin de bâtir les 53 kilomètres d’autoroute entre Toulouse et Castres, le porteur de projet Atosca avait demandé et obtenu en mars 2023 une dérogation permettant de porter atteinte à « 157 spécimens d’espèces animales protégées », a détaillé le tribunal.
Mais pour justifier de ces atteintes, il faut que « le projet répond(e) à une raison impérative d’intérêt public majeur ». Or, « au vu des bénéfices très limités qu’auront ces projets pour le territoire et ses habitants, il n’est pas possible de déroger aux règles de protection de l’environnement et des espèces protégées », avait estimé le tribunal.
L’un des plus gros projets de mine de lithium
Ce mercredi, le Conseil constitutionnel répondait à une question prioritaire de constitutionnalité déposée par l’association Préservons la forêt des Colettes et d’autres. Ces derniers s’opposent à l’un des plus gros projets européens de mine de lithium porté par le groupe Imerys dans l’Allier, en raison de son impact sur l’environnement.
La qualification de projet d’intérêt national majeur « vise à faciliter la mise en œuvre du projet de mine à Échassières, en particulier en accélérant les procédures, en réduisant les consultations du public et en permettant à l’entreprise minière de déroger à la sauvegarde des espèces protégées », jugeaient les associations Préservons la Forêt des Colette et StopMines03 en septembre dernier.
« Les requérants, rejoints par les parties intervenantes, reprochent à ces dispositions de ne pas préciser suffisamment les critères permettant de reconnaître de façon anticipée une raison impérative d’intérêt public majeur, écrit le Conseil constitutionnel. Cette reconnaissance relèverait dès lors d’une appréciation discrétionnaire de l’administration qui ne serait pas, compte tenu du stade précoce de la procédure auquel elle intervient, en mesure d’évaluer les incidences concrètes du projet sur l’environnement. »
« Réduire l’incertitude juridique sur certains projets industriels »
« Ils soutiennent également que, en prévoyant que la contestation de cette reconnaissance ne peut intervenir qu’au stade de l’édiction du décret qualifiant un projet d’intérêt national majeur, ces dispositions ne permettraient pas au juge d’exercer son contrôle en tenant compte des caractéristiques concrètes du projet, ajoute le Conseil constitutionnel. En outre, elles priveraient certains tiers, qui pourraient ultérieurement être concernés par la mise en œuvre d’un tel projet, de la possibilité de contester utilement cette décision. »
Mais les Sages de la rue Montpensier estiment qu’« en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu réduire l’incertitude juridique pesant sur certains projets industriels. Il a donc poursuivi un objectif d’intérêt général ».
Il affirme ensuite que « si ces dispositions privent un requérant de la possibilité de contester la reconnaissance de la raison impérative d’intérêt public majeur à l’appui d’un recours dirigé contre l’acte accordant la dérogation à la réglementation relative aux espèces protégées, cette restriction ne s’applique que dans le cas où cette reconnaissance bénéficie à des projets industriels qualifiés d’intérêt national majeur en raison de leur importance pour la transition écologique ou la souveraineté nationale ».
Enfin, « la reconnaissance de la raison impérieuse d’intérêt public majeur peut être contestée à l’occasion d’un recours dirigé contre le décret qualifiant le projet industriel de projet d’intérêt national majeur », écrit le Conseil constitutionnel. En somme, « les dispositions contestées ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit à un recours juridictionnel effectif. Le grief tiré de la méconnaissance d’un tel droit doit donc être écarté », concluent les Sages de la rue Montpensier.
Les associations de défense de l’environnement n’ont donc sans doute pas fini d’entendre invoquée la raison impérative d’intérêt public majeur dans le cadre des projets qu’elles contestent.
(Avec AFP)
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Marius Bocquet