« C’est tellement violent. C’est violent sur le symbole, c’est violent pour moi, mais c’est principalement violent pour elles », déplore Sandra Reinflet, photographe et autrice de l’exposition « Nouvelles Reines » présentée à la basilique de Saint-Denis (93) depuis septembre 2024.
« Elles », ce sont 31 femmes, souvent racisées, aux parcours accidentés, résidentes de Saint-Denis et d’Aubervilliers, dont les photographies sont visibles dans la nef et la crypte de l’édifice. Ces portraits, embellis par les reflets des vitraux du monument, racontent une trentaine de parcours de résilience d’habitantes de quartiers populaires.
Une exposition paisiblement installée dans le monument pendant près de cinq mois, mais brutalement ciblée par l’extrême droite depuis la fin février. Le 11 mars, des militants identitaires du groupuscule Les Natifs ont même attaqué trois portraits, les recouvrant d’un drap noir, avant d’y placer les portraits de sainte Geneviève et de Jeanne d’Arc.
« Être recouverte d’un drap noir, c’est être invisibilisée encore, être niée dans son identité », alerte l’artiste dionysienne, qui a, entre autres, déposé plainte le 12 mars pour entrave concertée et avec menace à l’exercice de la liberté de diffusion de la création artistique, harcèlement et divulgation de données à caractère personnel, selon la plainte que nous avons consultée. Le parquet de Bobigny indique que deux jeunes militants des Natifs ont été interpellés et placés en garde à vue le 14 mars.
De son côté, Sandra Reinflet, soutenue par le diocèse de Saint-Denis, le Centre des monuments nationaux et la municipalité, peine encore à comprendre l’ampleur de la haine suscitée par ses photos : « C’est instrumentaliser un travail artistique pour leur obsession et leur théorie du “grand remplacement” », confie-t-elle à Mediapart. Une théorie raciste relayée, entre autres, dans les colonnes du Figaro le 3 mars.