[Article publié le jeudi 13 mars à 11h11, mis à jour à 11h50] Le futur chancelier Friedrich Merz défend jeudi devant les députés son programme d’investissements géants jugé crucial pour réarmer et moderniser l’Allemagne. Les débats au Bundestag doivent débuter vers midi. Le vote est programmé pour le 18 mars. Ensuite, le Bundesrat, qui représente les régions, devra encore donner son aval.
Ce paquet inédit de plusieurs centaines de milliards d’euros, qui nécessite un amendement à la constitution et donc une majorité des deux tiers pour être adopté, constitue la pierre angulaire de son probable prochain gouvernement avec les sociaux-démocrates du SPD (centre-gauche).
Les partis se sont laissés une semaine pour parvenir à un compromis, faute de quoi Friedrich Merz, loué à l’étranger pour son audace et sa main tendue à l’Europe en matière de défense, se verrait sérieusement freiné dans son élan.
Dans le détail, le parti conservateur et le parti social-démocrate (SPD), qui négocient la formation du futur gouvernement, ont annoncé mardi vouloir réaliser des investissements sans précédent de plusieurs centaines de milliards d’euros pour renforcer la défense et l’économie du pays. Ils souhaitent notamment parvenir à la création d’un fonds de 500 milliards d’euros en faveur des infrastructures et à un assouplissement du frein constitutionnel à l’endettement afin de pouvoir investir massivement dans la défense.
Obstacles en vue
Mais la partie est loin d’être gagnée car les Verts, dont les voix sont indispensables, menacent de mettre leur véto, déplorant entre autres l’absence d’investissements concrets pour la protection du climat. « La position des Verts reste que nous n’allons pas voter en faveur » de ces mesures, a d’ailleurs prévenu ce jeudi la co-cheffe de leur groupe parlementaire, Katharina Dröge à la télévision publique. Elle a aussi indiqué ne pas partager l’« optimisme » affiché côté par le SPD et les conservateurs.
Friedrich Merz tient à faire adopter ces mesures par le parlement actuel, voué à évoluer suite aux élections législatives du 23 février dernier. Car lorsque les nouveaux élus du Bundestag se réuniront le 25 mars, les partis des extrêmes de droite et de gauche disposeront d’une minorité de blocage. Le parti nationaliste AfD (Alternative pour l’Allemagne), fort de son succès aux législatives, sera ainsi la deuxième force politique de la nouvelle assemblée. « La pression est forte, le temps presse », a résumé le député conservateur Thorsten Frei jeudi.
Le futur chancelier est confronté à un autre obstacle potentiel. L’AfD et la Gauche radicale Die Linke ont déposé un recours auprès de la Cour constitutionnelle pour qu’elle interdise la tenue du vote. L’AfD invoque notamment un vice de procédure.
L’Allemagne, pilier du réarmement européen
Si urgence il y a, c’est notamment parce que « l’Allemagne et l’Europe sont dépendantes de la formation rapide d’un gouvernement fédéral capable d’agir et doté de moyens financiers suffisants », souligne le quotidien Süddeutsche Zeitung (gauche) dans un éditorial, en référence au lâchage de l’Ukraine par l’administration de Donald Trump et son rapprochement avec Vladimir Poutine.
Or, un échec à créer des marges de manœuvre budgétaires dans le pays pourrait aussi réduire sa réticence à l’idée d’approuver un emprunt commun de l’UE pour la défense ou l’aide à l’Ukraine, ajoute-t-il.
Pour rappel, la Commission européenne a dévoilé début mars un plan pour « réarmer l’Europe » destiné à mobiliser près de 800 milliards d’euros pour sa défense, mais aussi à fournir une aide « immédiate » à l’Ukraine après le gel de l’aide américaine. Le premier « pilier » de ce plan repose cependant sur les dépenses nationales dans chaque État membre.
D’autres solutions pour se réarmer
En cas de blocage législatif, Friedrich Merz peut toujours suspendre temporairement « le frein à l’endettement en invoquant un choc négatif majeur », comme au temps de la pandémie de Covid-19, et les tensions géopolitiques actuelles entreraient dans cette catégorie, souligne l’économiste de Berenberg, Holger Schmieding. Il n’aurait besoin pour cela que d’une majorité simple au Bundestag.
Indépendamment de la séance parlementaire doivent également débuter jeudi les discussions de coalition entre conservateurs et SPD en vue d’établir rapidement un « contrat de coalition » et un nouvel exécutif d’ici le 20 avril. Samedi ils ont déjà annoncé un accord de principe, y compris sur des sujets qui les divisaient jusqu’ici, comme celui d’un net durcissement des règles migratoires.
(Avec AFP)
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