L’académicien et professeur émérite au Collège de France, Antoine Compagnon livre dans « Déshonorer le contrat » (Gallimard), une réflexion sur l’acte de création littéraire, pris dans des injonctions contradictoires et devant s’accomplir dans la quête du désir du lecteur. Il assimile, dans le sillage de Roland Barthes, le pacte qui se noue entre la demande éditoriale et l’écrivain, à une perversion érotique.
Écrire dans l’espoir d’une rétribution, est-ce trahir sa plume, la prostituer en quelque sorte ? Dans Déshonorer le contrat (Gallimard), Antoine Compagnon explore la création littéraire à travers la notion de contrat, si chère à Roland Barthes. Il en met au jour les tensions et les ambivalences, montrant comment Barthes détourne subtilement la commande éditoriale pour mieux s’en affranchir. C’est précisément en pervertissant la demande, en la retournant contre elle-même, qu’il parvient à atteindre cette forme d’écriture « pour rien », affranchie de toute finalité utilitaire. Marianne est allé à sa rencontre.
Marianne : Ce livre est-il issu d’une commande ?
Antoine Compagnon : À l’origine de ce livre, il y a deux communications que j’ai prononcées en 2015, à l’occasion du centenaire de la naissance de Roland Barthes, l’une à Londres, l’autre à New York. Il ne s’agissait pas à proprement parler de commandes, mais plutôt de sympathiques invitations à prendre la parole.