Après l’aluminium et l’acier, Donald Trump ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Sa guerre commerciale va aussi toucher l’agriculture. « Aux grands agriculteurs des États-Unis : préparez-vous à produire beaucoup de produits agricoles POUR les États-Unis. Les droits de douane augmenteront sur les produits extérieurs le 2 avril. Amusez-vous bien ! », a-t-il lancé début mars. Il n’a pas livré de détails ni de plus amples intentions, mais ses propos suscitent déjà les doutes du grand syndicat agricole national.
Aux États-Unis, premier exportateur agricole mondial, les revenus de l’agriculture reposent à 20 % sur les ventes à l’étranger, jusqu’à 60 % pour les céréales et 50 % pour les oléagineux (essentiellement du soja). En 25 ans, ses exportations ont triplé en valeur.
Or, depuis 2019, le pays importe plus qu’il n’exporte, un déficit qui pourrait atteindre 50 milliards de dollars en 2025 selon le ministère de l’Agriculture (USDA). Ainsi, entre 1998 et 2023, les importations ont quintuplé en valeur, tirées par les fruits, légumes, vins, fruits à coque, fleurs. À l’origine de ce boom, de nouvelles préférences de consommation, une demande tout au long de l’année, une concurrence étrangère toujours plus forte, explique l’USDA. Le Mexique est son principal fournisseur de fruits et légumes.
Le Mexique est le premier client des États-Unis
Mais le pays d’Amérique du Sud est aussi son premier client en maïs, blé, produits laitiers… pour plus de 30 milliards de dollars en 2024. Suivent le Canada (28 milliards) et la Chine (25 milliards). Ces trois pays, les premiers visés par la guerre des tarifs de Donald Trump, absorbent à eux seuls la moitié des débouchés agricoles américains. L’export vers le Mexique et le Canada en particulier a quadruplé en 25 ans avec les accords de libre-échange, note l’USDA.
« L’idée est que les Américains achètent américain », souligne Charles Hart, analyste chez Rabobank.« Le problème est que cela ne marche pas vraiment si vous regardez ce que les Américains achètent : notamment des produits dont la valeur vient du fait qu’ils ne sont pas faits aux USA, comme les spiritueux, le vin européen…, et ce qui ne peut pousser aux États-Unis, le cacao, le café, dont les prix ont fortement crû et ont contribué au déficit ».
Dès janvier le premier syndicat agricole a ainsi exprimé sa préoccupation devant les mesures tarifaires. « Aplanir les règles du jeu commercial est un but louable, mais malheureusement agriculteurs et communautés rurales souffrent souvent de rétorsions tarifaires », a mis en garde le Farm Bureau, en mettant aussi en avant que 85 % de la potasse, engrais clé, vient du Canada.
« Nous encourageons l’administration à avancer avec le Mexique et le Canada de manière à préserver des marchés importants » et assurer aux agriculteurs l’accès à des intrants nécessaires « pour remplir le garde-manger de l’Amérique », ajoute l’organisation.
Craintes de rétorsion
Avant que Donald Trump reporte finalement une partie de ses mesures, le Canada avait promis de taxer plus de mille produits américains, beurre de cacahuète, jus d’orange… De son côté, répondant à une surtaxe sur tous ses produits, la Chine impose depuis lundi des droits de douane supplémentaire de 10 % à 15 % sur blé, maïs, soja, porc, produits laitiers…
Lors du précédent bras-de-fer de 2018-19 avec la Chine, les cultivateurs américains, de soja ou de maïs, avaient souffert, et Washington avait dû les dédommager de plusieurs milliards de dollars. Cette fois-ci il faudra attendre après la récolte pour voir si le soja américain est affecté, estime Charles Hart, de Rabobank.
« Une leçon de 2018-19 pour la Chine a été de diversifier ses importations: elle a signé un accord maïs avec le Brésil, l’Argentine, tenté de stimuler sa production, agi pour réduire le soja dans l’alimentation animale… Tout cela a probablement enlevé une part de la demande chinoise », rappelle-t-il.
L’UE dans le viseur
Fin février, Donald Trump a également annoncé une taxe « prochaine » de 25 % sur les produits européens, sans préciser les secteurs. L’annonce ravive de mauvais souvenirs pour le secteur agricole, dont les fromages, vins et cognac ont déjà été taxés en 2019. Entre les deux régions, le déficit agricole américain grandit.
Par ailleurs, en réponse aux droits de douane sur l’acier et l’aluminium entrés en vigueur ce mercredi, la Commission européenne a annoncé qu’elle allait taxer une série de produits américains allant des bateaux au bourbon en passant par les motos, à partir du 1er avril.
En 2023, les États-Unis ont importé pour plus de 27 milliards d’euros de produits, dont vins (17 %), spiritueux et bières (17 %) et produits laitiers (7% ), selon des chiffres de la Commission européenne. Ils sont le premier débouché des vins français à l’export. Ils ont exporté pour 11,7 milliards, surtout des céréales, oléagineux (soja, colza…) et des fruits (19 %).
(Avec AFP)
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