Avec une croissance à l’export de 5,5% en 2024, le secteur des parfums et cosmétiques confirme sa contribution positive dans la balance commerciale de la France. La parfumerie représente même 35% des exportations totales de cosmétiques, avec un montant total qui s’élève à 8 milliards d’euros. Le secteur a ainsi multiplié sa capacité export par deux en cinq ans. Une performance à laquelle contribuent fortement les parfumeurs originaires de Grasse, considérée comme le berceau de la parfumerie. Ces entreprises familiales – Robertet, Fragonard, Molinard… – ont, de tout temps, trouvé des relais de croissance à l’international.
Parmi ces fleurons tricolores, Mane est l’un des groupes à avoir très vite regardé vers l’Asie, puisque c’est au Japon qu’il installe sa première filiale dès 1956, « lorsqu’il était encore possible d’ouvrir une filiale composée à 100% de capitaux étrangers », souligne Samantha Mane, présidente depuis le 1er février dernier de l’entreprise installée à Bar-sur-Loup (Alpes-Maritime).
Renforcer les positions
Samantha Mane, qui a longtemps eu en charge la zone EMEA (Europe, Moyen-Orient, Afrique), entend précisément poursuivre l’internationalisation du groupe familial, indépendant à 100% sur le plan capitalistique. Implanté dans 39 pays, Mane ne va donc pas ralentir sa présence export même si « nous possédons déjà un réseau largement étendu (…) construit patiemment », rappelle-t-elle, où il a beaucoup été question d’Afrique, au Maroc, au Nigeria, en Côte d’Ivoire, en Algérie ou encore en Afrique du Sud. En 2009, Mane prend position à Dubaï, alors uniquement via des activités de vente. Mais le Français va continuer à faire croître ses capacités en local. Aujourd’hui, il est présent en Jordanie, en Turquie, en Autriche, en Pologne, au Chili, en Argentine, ou encore en Allemagne. En Inde, Mane a investi 20 millions d’euros en 2023 pour donner naissance à l’une de ses plus grandes usines de fabrication, une unité de production de 20.000 m2 qui vient soutenir les besoins de la zone Inde-Pacifique. Sur la feuille de route, figurent une ouverture au Bangladesh et en Arabie Saoudite, le renfort de la présence aux États-Unis, notamment pour le segment arômes alors que l’Asie et l’Amérique latine vont être objet d’attentions.
Naturalité et réglementation : opportunités
Essentiel dans la stratégie, la R&D bénéficie d’un réinvestissement à hauteur de 7,5% du chiffre d’affaires – établi à 1,77 milliard d’euros en 2023. « L’investissement dans l’innovation est la clé pour être en capacité de proposer de solutions qui répondent aux challenges sur tous les segments. Le moindre ralentissement de l’investissement impacte le développement », explique Samantha Mane. Sur ce point, le laboratoire de biotechnologie, créé en interne il y a 35 ans, est un maillon important puisqu’il permet de maîtriser l’ensemble de la chaîne de valeur, « de la paillasse au laboratoire » et d’innover dans de nouvelles techniques d’extraction notamment, voire de réadapter d’anciennes techniques, l’enjeu étant de maîtriser l’impact environnemental. Mane s’est d’ailleurs engagé dès 2003 dans le Pacte mondial de l’ONU, précisément, indique sa présidente, parce que « ce n’est pas une charte mais qu’il oblige annuellement à la publication d’une communication sur le progrès. Si elle n’est pas fournie, on sort du Pacte ».
Autre sujet majeur, le retour de la naturalité, les consommateurs réclamant de plus en plus de produits naturels. Si elle estime que pour Mane il s’agit là d’un savoir-faire historique, Samantha Mane émet cependant des réserves, d’abord soulignant qu’au-delà des volontés affichées, « tout le monde n’est pas prêt à en payer le prix » mais aussi que « si opérer un virage est très bien, nous ne pourrons pas nous permettre d’aller vers du tout naturel », par manque de ressources nécessaires. « Il faut rester réaliste ». La réglementation, d’ailleurs, en remettant en cause certaines molécules, rend l’exercice complexe. « Parfois, les textes ne tiennent pas compte des spécificités de nos métiers » et créent des distorsions de concurrence, comme avec la Suisse, non soumise au règlement Reach par exemple. Mais, « il nous revient de nous adapter ».
Le challenge de l’apprentissage
Comme de nombreux secteurs, la parfumerie n’échappe pas au besoin en expertises qui manquent. « Nos métiers sont techniques et ce sont des métiers de savoir-faire et de transmission », rappelle celle qui est également l’une des vice-présidentes du syndicat de la profession, Prodarom, basé à Grasse. Un syndicat qui est également centre de formation, ce qui n’est pas anodin dans un territoire où l’industrie chimique est très peu présente. Reste que devenir aromaticien ou parfumeur relève davantage de la formation interne. « Nous estimons que la formation fait partie de notre devoir citoyen », soulève Samantha Mane. Le groupe français, qui emploie 8.000 salariés dans le monde et 1.500 à Grasse, devrait poursuivre une croissance à deux chiffres en 2025.