Avant la demi-finale aller de Ligue des champions entre Arsenal et le PSG, ce mardi à l’Emirates Stadium (21h), Luis Fernandez revient pour RMC Sport sur l’éclosion de Mikel Arteta à Paris il y a plus de vingt ans. Le coach des Gunners a lancé sa carrière professionnelle dans la capitale au début des années 2000. Et le milieu de terrain espagnol, prêté par le Barça, a rapidement séduit tout le monde, comme le raconte son ancien entraîneur.
Lorsque Ligue des champions avec Arsenal, était encore au collège. Le coach français, natif d’Andalousie, entraînait alors l’Athletic Bilbao en Liga. Un club à l’identité régionale très forte, dont l’effectif se compose uniquement de joueurs ayant une ascendance basque ou formés localement. En se renseignant sur les jeunes prometteurs de la région, Luis Fernandez est tombé sur ce petit milieu de terrain, originaire de San Sebastian. Mikel Arteta évoluait à l’époque dans le club d’Antiguo, un quartier de sa ville natale, aux côtés de son grand ami Xabi Alonso. Ce dernier a ensuite rejoint la Real Sociedad. Mikel Arteta, lui, a opté pour la Masia, le centre de formation du FC Barcelone. Mais Luis Fernandez a continué à le suivre de près, même après son départ du nord de l’Espagne.
En janvier 2001, peu après son retour à la tête du PSG (qu’il avait déjà entraîné entre 1994 et 1996), Luis a réussi à récupérer le jeune Mikel Arteta, âgé de 18 ans, sous la forme d’un prêt. “Il avait besoin de s’aguerrir. C’était une bonne manière pour lui de lancer sa carrière, au lieu de rester au Barça et de ne pas jouer à cause de la concurrence”, se souvient le technicien de 65 ans, interrogé par RMC Sport. “J’aimais beaucoup son style, il avait exactement le profil que je recherchais dans le cœur du jeu. Je voulais des milieux de terrain avec une facilité technique et il avait cette aisance. Il pouvait se retourner, orienter le jeu, faire la passe entre les lignes, progresser avec le ballon et le donner dans de bonnes dispositions à ses coéquipiers. J’ai toujours été fan de ce poste que Johan Cruyff a inventé pour Pep Guardiola lorsqu’il était au Barça.”
“Il arrivait toujours le premier à l’entraînement”
Un poste que Mikel Arteta a tout de suite occupé avec brio dans la capitale. Au point d’être surnommé “le petit Guardiola”, en référence à son idole de jeunesse, qu’il rejoindra en tant qu’adjoint à Manchester City (2016-2019), avant de se lancer lui-même comme entraîneur principal. “Quand tu voyais Pep jouait au Barça, c’est un peu le même style. Arteta était dans le même registre, en sentinelle devant la défense. Un n°6 qui jouait comme un n°10. Il soulageait les défenseurs avec ses contrôles orientés et sa capacité à se retourner pour jouer vers l’avant. C’était un spécialiste de ça.”

Au-delà de ses qualités au-dessus de la moyenne et de son élégance naturelle, le n°4 a rapidement conquis tout le monde avec son comportement irréprochable. Aiguillé par Mauricio Pochettino, dont il a été le voisin durant plusieurs mois à l’hôtel, le droitier d’1m77, venu en France avec sa mère, s’est fait une place avec humilité et discrétion dans la ville lumière.
“Il a été remarquable dans son attitude”, salue Luis Fernandez, qui a pu faciliter son intégration grâce à sa maîtrise de l’espagnol.
“Il avait une hygiène de vie qui était conforme à celle d’un sportif de haut niveau. Il était sérieux. C’était un plaisir de l’avoir avec nous. Un régal même. Il arrivait toujours le premier à l’entraînement et il repartait parmi les derniers. Il avait sans cesse envie de travailler et de progresser. C’est ce qui m’a marqué chez ce garçon.”
“Tout le monde me parlait de lui à l’époque”
Après avoir obtenu la prolongation de son prêt pour la saison 2001-2002, Luis Fenandez a rapidement fait de Mikel Arteta l’un des rouages essentiels de son système, malgré son inexpérience du haut niveau. “C’était quelqu’un de précoce, qui sentait le jeu, qui voyait les choses avant les autres. Il avait des dispositions techniques naturelles. On sentait qu’il s’améliorait très vite. Il a pris sa place et tout le monde l’a facilement accepté.” Au sein d’un effectif de grand talent, avec Ronaldinho, Jay-Jay Okocha ou Nicolas Anelka, le droitier espagnol a impressionné ses aînés au Camp des Loges.
“Ils étaient tous admiratifs de lui parce qu’il avait un comportement remarquable”, témoigne son ancien coach.
“On savait qu’il appartenait au Barça, un grand club espagnol, et on le voyait avec cette simplicité et cette gentillesse, que ce soit dans le vestiaire ou sur le terrain. Il ne reprochait jamais rien à ses partenaires. Il n’avait qu’un seul but: progresser en jouant et grandir en montrant ses qualités.” Proche de Gabriel Heinze ou Cristobal, les autres hispanophones de l’équipe, Mikel Arteta est peu à peu devenu l’un des chouchous du Parc des Princes. “Il respectait le maillot, il aimait le Paris Saint-Germain. Il savait ce que le club lui avait apporté”, souffle Luis Fernandez. “C’était un exemple à ce niveau-là. Il est venu avec une bonne mentalité pour s’imposer et réussir de belles choses Il portait dignement le maillot. Tout le monde me parlait de lui à l’époque.”
“On aurait bien aimé qu’il continue avec nous”
Malgré son rendement et sa volonté de prolonger, Mikel Arteta n’a pas été conservé après son deuxième prêt. Paris n’a pas été en mesure de s’aligner financièrement pour obtenir sa signature définitive à l’été 2002. Après 53 apparitions (dont 4 en Ligue des champions), 5 buts et 5 passes décisives, le Basque est retourné à Barcelone, avant d’être transféré aux Glasgow Rangers pour 7,9 millions d’euros. “Il y a eu des discussions entre les clubs mais je n’en sais pas plus”, assure Luis. “Je pense qu’il a fait une petite erreur d’aller à Glasgow, mais son talent a ensuite éclaté à Arsenal (après un passage à Everton, NDLR). Et ça m’a fait plaisir. Je me suis dit qu’on ne s’était pas trompé en le prenant au PSG. Mais c’est dommage qu’il soit parti. Tout le monde l’a regretté, on aurait bien aimé qu’il continue avec nous…”
Plus de vingt après, Mikel Arteta, désormais sur le banc d’Arsenal, s’apprête donc à recroiser le club de ses débuts en demi-finale de la Ligue des champions. Après une victoire en octobre dernier lors de la phase de groupe (2-0), les Gunners vont accueillir à nouveau les Parisiens à l’Emirates Stadium, mardi prochain, lors du match aller (21h). Ils se rendront ensuite le 7 mai au Parc des Princes pour un match retour qui s’annonce bouillant. L’occasion pour leur entraîneur de retrouver pour la première fois le stade qui l’a vu éclore au début des années 2000.
“Ce n’est plus le Arteta que j’ai connu à Paris”
“J’espère qu’il aura un bon accueil, qu’on aura l’occasion de l’applaudir et de le féliciter pour son bon passage à Paris”, lance Luis Fernandez. “Il a respecté le maillot. Il a une attitude correcte. C’est pour ça que je demande aux supporters qui viendront au Parc de ne pas le siffler. C’est quelqu’un qui mérite des applaudissements. C’est sûr qu’ils ne vont pas encourager l’équipe d’Arsenal, ils vont les siffler, mais j’aimerais qu’on réserve un bon accueil à Mikel Arteta.”
Depuis leur aventure commune, le vainqueur de la Coupe des coupes 1996 a conservé un petit lien avec son ex-protégé. Tant bien que mal. “C’est très difficile de rester en contact avec Mikel Arteta, parce qu’il ne prend pratiquement jamais son téléphone. Mais on parle de temps en temps et je lui envoie des messages de félicitations quand son équipe a de bons résultats.”
En repensant au gamin timide qui a débarqué dans les Yvelines à l’hiver 2001, Luis Fernandez a toujours du mal à croire qu’il soit devenu ce coach à succès en Angleterre. “A l’époque, je vous aurais dit: ‘Il ne sera jamais entraîneur ce garçon’. Parce que c’est quelqu’un qui était à l’écoute, qui s’asseyait et qui ne disait jamais rien. Il était vraiment calme, tranquille. Parfois, il y a des milieux qui lèvent la voix pour replacer leurs partenaires ou les encourager. Ce n’était pas son cas. Ce n’était pas le personnage que je vois aujourd’hui sur le bord du terrain avec Arsenal. Ce n’est plus le Arteta que j’ai connu à Paris.”