Arsenal a fait des coups de pied arrêtés une marque de fabrique depuis plusieurs saisons, avec un travail spécifique qui porte ses fruits. A l’inverse, le PSG ne prépare pas ces phases de manière aussi précise. Un gouffre impossible à combler en peu de temps pour les Parisiens, qui devront tenter de contrer les stratégies des Gunners.
Luis Enrique et son staff le savent : les coups de pied arrêtés seront une des clefs de la demi-finale de la Ligue des Champions contre Arsenal (mardi à 21h). Ces dernières semaines, la question est souvent revenue aux oreilles du coach espagnol en conférence de presse, avant même que les Gunners ne se profilent sur la route des Parisiens. Car s’il est un secteur où le PSG semble fragile, ce sont bien ces phases du jeu. Problème : Arsenal est la meilleure équipe d’Europe dans le domaine. “Nous allons les préparer de la même manière que contre Liverpool, tempérait Luis Enrique la semaine dernière. C’est une équipe qui a au moins autant de potentiel qu’Arsenal dans ce domaine. Nous ne préparerons pas notre équipe uniquement en fonction de cet aspect du jeu.” Il faudra pourtant y être très attentif.
Paris, une efficacité en dessous de la moyenne
Un comparatif chiffré permet de démontrer le fossé entre les deux clubs. D’abord offensivement. Paris, toutes compétitions confondues, marque en moyenne un but tous les 38 coups de pieds arrêtés, dans la lignée des deux dernières saisons. Ce total est en dessous de la moyenne, qui est d’un but marqué tous les 30 “CPA” en Ligue 1 comme en Premier League. Arsenal, de son côté, est donc l’exemple à suivre, avec un but inscrit tous les 20 coups de pieds arrêtés. Une réussite impressionnante qui s’explique notamment par l’apport d’un spécialiste dans le staff des Gunners, le Français Nicolas Jover.
On voit régulièrement les hommes de Mikel Arteta mettre en place de vraies tactiques (placement précis, courses, remises) sur ces situations. Les Anglais possèdent aussi de bons joueurs de tête (Saliba, Gabriel, Kiwior) et de tireurs forts dans l’exercice. Depuis l’arrivée de Nicolas Jover, ils ont battu des records d’efficacité sur corners (16 inscrits en PL la saison dernière, par exemple) et l’absence de Gabriel, blessé, est une bonne nouvelle pour les Parisiens, tant il est efficace dans la surface.
Mais Arsenal est aussi fort lorsqu’il faut défendre. Quand Paris encaisse un but tous les 18 coups de pieds arrêtés, les Gunners sont battus une fois tous les 28 “CPA”. Le PSG peut donc être considéré comme faible défensivement à ce niveau, en témoignent les réalisations du Havrais Soumaré et du Niçois Ndayishimiye consécutives à un corner et un coup franc, sur les dernières rencontres de championnat.
Pas de membre attitré dans le staff parisien
En résumé, Paris est donc en difficulté sur ces situations (avec une réussite toujours plus basse que la moyenne) en défense comme en attaque, quand Arsenal est nettement au-dessus offensivement et dans la norme défensive. Avec le spécialiste Nicolas Jover, les Gunners n’y passent que quelques dizaines de minutes par semaine mais le résultat est probant, puisque près d’un quart de leurs réalisations en Premier League font suite à une situation arrêtée, contre 7% pour Paris en Ligue 1. En revanche, plus d’un tiers des buts concédés par le champion de France provient de ce type de phase.
“J’ai pu observer les résultats de son travail sur le terrain en étant à côté de lui, c’est une des premières fois où je me suis dit ‘Wow, ok, le responsable des coups de pied arrêtés peut avoir un rôle si important pendant une rencontre’, détaille Rudi Cuni à propos de Jover, dont il fut le stagiaire à Montpellier. Avant le match, il m’avait dévoilé les process de communication avec son staff à l’approche d’un CPA, c’est toute une symphonie, une synchronisation qui se mettait en place, en utilisant la parole et les gestes”. Cela va jusqu’à la manière dont le destinataire d’un coup de pied arrêté va ouvrir l’épaule pour tromper l’adversaire avant de se déplacer et marquer… Alors que Luis Enrique n’a pas de membre spécifiquement attitré aux coups de pied arrêtés dans son staff.
Paris ne les a pas plus travaillés
“Il faut avant tout que l’entraîneur ait une réelle croyance en cela. C’est vers lui qu’on se dirige, à lui qu’on s’adapte”, ajoute Enzo Donis. Ce dernier est devenu adjoint spécialiste des CPA en s’inspirant de…. Nicolas Jover, côtoyé à Montpellier. Alors que la moitié des clubs de Premier League ont un adjoint dédié voire des cellules pour ce secteur du jeu, le technicien constate une vraie différence d’approche en France. “C’est minimisé. Alors qu’à Arsenal, les ‘CPA’ sont pensés comme une phase de jeu essentielle intégrée à la méthode de l’équipe et aux principes de jeu, en France on les traite comme un bonus optionnel. En Ligue 1, seul Lyon, qui a fait venir Damien Della Santa sous Pierre Sage, a un spécialiste précisément dans ce domaine”. Justement, l’OL est très efficace avec un but marqué tous les 22 coups de pieds arrêtés et 1 but encaissé tous les 49 “CPA” seulement ! Une énorme progression.
“Ce n’est pas juste poser le ballon, tirer et répéter, poursuit l’adjoint. C’est de la correction, un accompagnement individuel technique, mental… Il faut l’intégrer à l’entraînement tous les jours sans se rendre compte qu’on les travaille : à l’échauffement, dans un jeu rapide… Ce n’est pas un bonus à ajouter”, détaille celui qui est aussi passé par Sète, Bastia Borgo, Virton (Belgique), ou encore Créteil.
A Paris, la révolution des “CPA” semble encore loin. “Nous utilisons en fonction de ce qui nous semble opportun, des corners directs, courts ou indirects, ce que nous considérons comme étant le plus dangereux pour l’adversaire, expliquait Luis Enrique, interrogé sur sa méthodologie. Je considère que nous avons un très bon niveau dans ce domaine”. D’ailleurs, selon nos informations, les coéquipiers de Marquinhos n’ont pas particulièrement travaillé ces situations à l’entraînement des derniers jours… Il faudra prouver que Paris a progressé alors qu’en phase de Ligue, le PSG avait concédé un but de Saka après… un coup franc.