On disait Pierre Poilievre vainqueur à coup sûr. L’opposant numéro un d’un Justin Trudeau devenu impopulaire était amené à le remplacer. Mais à jouer les Donald Trump du grand Nord, Poilievre a perdu un tiers de son électorat dans les semaines qui ont suivi l’élection du président républicain à la Maison-Blanche.
À Ottawa, il est difficile d’avoir un style similaire à l’homme qui veut faire du Canada le 51e État américain. Pierre Poilievre a été contraint de se distinguer et d’adopter une posture moins populiste pour faire face à Mark Carney, Premier ministre par intérim, devenu favori à son poste. Pierre Poilievre a tout de même conservé de ce tropisme trumpiste un goût pour le pétrole. Le 20 mars dernier, il reprenait même le slogan « Drill baby drill » à la sauce canadienne : « forer, creuser, exploiter ».
Poilievre contre l’écologie punitive
Pour le conservateur, la donne est simple : 97 % du pétrole de son pays est exporté aux États-Unis. Si ces derniers augmentent leur production domestique, comme le souhaite Donald Trump, alors le Canada doit faire de même pour rester compétitif. Pour cela, il peut s’appuyer sur l’industrie pétrolière de la province de l’Alberta où il est né. À elle seule, la région représente plus de 85 % de la production canadienne… mais seulement 10 % des 341 sièges à pourvoir à la Chambre des communes.
Au cours des 3 dernières élections, le score moyen des conservateurs dans l’Alberta s’élève à 61 %, aidé par les politiques écologistes du gouvernement libéral de Justin Trudeau.
Au cours de sa décennie à la tête du pays, Trudeau a multiplié les mesures restrictives envers l’industrie pétrolière : interdiction de construction de certains pipelines, subventions aux énergies vertes et par-dessus toute la taxe carbone. Cette dernière était prélevée sur les consommateurs d’essence – à hauteur de 13 centimes le litre – et a été retirée par Mark Carney début mars, lorsqu’il est devenu Premier ministre.
Carney converti au pétrole
Car les conservateurs ne sont plus seuls à défendre le pétrole. Le sort de l’or noir canadien, exporté vers le voisin du Sud, est désormais intimement lié à la souveraineté du pays depuis que Donald Trump le taxe à hauteur de 10 %. Impossible donc pour les libéraux de fustiger les puits de pétrole s’ils veulent remporter les États de l’Ouest où le secteur emploie plus de 100 000 personnes. Les conservateurs restent en tête des sondages dans le Saskatchewan et le Manitoba, mais avec ce basculement de discours les libéraux ne cessent d’y grappiller des voix, au point d’avoir doublé leurs scores en 3 mois dans les estimations.
Les élections de 2021, lors desquels la transition énergétique était au cœur des débats, paraissent loin. Aujourd’hui, Mark Carney promeut une diversification des exportations, afin d’apporter plus de souveraineté à l’industrie pétrolière canadienne. Mais, en parallèle, le libéral continu de prôner des investissements dans la transition énergétique, tentant un grand écarte périlleux dans un discours parfois flou. Se défendant de ces accusations, le Premier ministre, en visite dans l’Alberta début avril, a expliqué souhaiter conserver les énergies fossiles et accentuer les énergies vertes pour faire de son pays une superpuissance.
« Le Canada a une occasion exceptionnelle de devenir la première superpuissance énergétique mondiale, tant dans le domaine des énergies propres que conventionnelles », a déclaré Mark Carney.
In fine, malgré les différences de style et la volonté des candidats de se démarquer leurs visions sont plutôt proches. Peu importe lequel des deux sera élu, le Canada avance vers plus de forage.
À lire également
Julien Gouesmat