“Au moins, on reste pas le cul sur notre chaise” : à Beauvais, petite manif anti-Elon Musk, grandes ambitions

« All you fascists bound to lose, all you fascists bound to lose… » Ukulélé dans les mains, Félix entonne le refrain d’un morceau du chanteur américain, Woody Guthrie, sorti en 1944. « C’est une vieille chanson qui date de la Seconde Guerre mondiale mais aujourd’hui, elle trouve encore tout son sens », constate le musicien. Car si Félix, tout droit venu de Bretagne, a parcouru quelque 400 kilomètres jusqu’à Beauvais, dans l’Oise, ce 29 mars, c’est justement pour dénoncer celui qu’il considère comme l’actuel « fasciste » des États-Unis : Elon Musk.

Ainsi, accompagné d’une (toute) petite dizaine d’amis, le trentenaire s’est posté non loin de super-chargeurs Tesla, muni de pancartes ciblant le propriétaire de cette marque de voiture électrique. Sur ces dernières, les slogans « Boycottons le fascisme », « Elon dépasse les bornes » ou encore « vendre sa Tesla pour acheter de la 8,6 » sont écrits en lettres capitales. Quant aux chansons que le petit groupe enchaîne, elles se mêlent au son des voitures et de leur klaxon – la manifestation ayant lieu sur le parking d’un supermarché Auchan, en plein cœur d’une zone commerciale.

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Des manifestations comme celle-là, il y en a eu près de 500 aux quatre coins du monde ce samedi, dans le cadre du mouvement « Tesla Takedown » – ou « à bas Tesla », en bon français –, lancé outre-Atlantique il y a un mois. Aux États-Unis, en Europe comme en Australie, les participants étaient appelés à se regrouper devant des points de vente de la marque américaine, avec pour but de saper l’image de son propriétaire.

« Cet homme milliardaire déraille ! On ne peut pas avoir ce genre de personnages au pouvoir dans un pays comme les États-Unis », s’insurge Lisa (dont le prénom a été modifié), un bob en laine vissé sur la tête. Cette dernière regrette qu’en France, jusqu’au sein même de son entourage, les idées véhiculées par Elon Musk soient désormais jugées « acceptables » et soutenues « sans complexe ».

Nuire à la popularité de Musk

En ce sens, « notre objectif – sans doute utopique –, c’est de nuire à la popularité d’Elon Musk en décrédibilisant sa marque Tesla », assure celle qui se fait surnommer Léo, à l’origine de cette manifestation beauvaisienne. En France, seulement deux évènements étaient prévus ce samedi : celle dans l’Oise et une autre à Paris, dans le VIIIe arrondissement.

Et si la jeune femme, spécialisée dans la musique traditionnelle américaine, ne se considère pas comme politisée ni comme militante, l’urgence aux États-Unis était telle qu’il fallait passer de la « sidération » à l’action, selon elle. « On manquait d’idée pour exprimer notre colère. Avec le mouvement “Tesla Takedown”, nous avons trouvé un moyen populaire pour le faire », affirme-t-elle, entre deux bouchées de pizzas.

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Face à ce petit groupe de musiciens, occupés à pousser la chansonnette comme à croquer dans des sandwichs, les clients du supermarché et autres passants semblent dubitatifs. Certains se contentent de jeter un regard étonné au spectacle avoir de poursuivre leur chemin. D’autres ricanent en lisant leurs pancartes, tout en lançant : « Quels trous du cul ! ». Assise à l’arrêt de bus juste à côté, une sexagénaire estime « dommage » que personne ne leur accorde davantage d’intérêt.

« On est tous convaincus que notre manifestation ne va pas servir à grand-chose et on sait qu’on ne va pas changer le monde. Mais au moins, on ne reste pas le cul sur notre chaise », lâche Perrine, 43 ans, qui dit « enrager » tous les soirs en regardant les journaux télévisés et l’actualité politique américaine. « On vit des jours sombres, j’ai du mal à rester optimiste », constate celle qui travaille dans le social, cherchant à croiser le regard des Beauvaisiens venus faire leurs courses.

Mouvement pacifique

Les manifestants l’assurent : ce n’est pas spécialement la marque et encore moins ses clients qu’ils souhaitent prendre pour cibles. « Je pense au contraire que les propriétaires de Tesla pâtissent beaucoup de la situation, notamment avec les nombreux actes de vandalisme », regrette Léo. Rappelons en effet qu’après les autocollants « Anti Elon Tesla Club » placardés sur des véhicules Tesla aux États-Unis puis le lancement du mouvement « Everyone Hates Elon » (« Tout le monde déteste Elon ») en Angleterre, des incendies prémédités et des attaques contre concessionnaires se sont multipliés outre-Atlantique, mais également en France. Début mars, une dizaine de voitures Tesla avaient été ravagées par les flammes sur la commune de Plaisance-du-Touch (Haute-Garonne).

À Beauvais, en revanche, loin du groupe l’idée de fomenter une quelconque action violente. Le mot d’ordre demeure le pacifisme, à l’image de l’ensemble des évènements organisés ce samedi dans le cadre de « Tesla Takedown » qui se veut « opposé à toute violence, vandalisme et destruction de propriété », peut-on lire sur le site du mouvement. Une hostilité de plus en plus marquée, dont le constructeur de voitures électriques a déjà fait les frais. Depuis le 1er janvier, l’action de Tesla a dévissé de 40 %, selon le magazine Forbes. Les immatriculations ont également baissé de 49 % sur un an aux mois de janvier et février dans l’Union européenne (UE), selon les chiffres publiés ce 25 mars par l’Association des constructeurs européens d’automobiles (ACEA).

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« Les ventes de Tesla se cassent la gueule et cette dégringolade nous motive », soutient Sylvain, lunettes sur le nez et petit violon dans la main gauche. Cependant, pour l’heure, aucune étude ne permet de conclure que cette diminution des ventes serait effectivement liée à une potentielle baisse de la popularité d’Elon Musk.

Acculé face à la multiplication des manifestations le prenant directement pour cible, ce dernier a promis des « sanctions » contre ses détracteurs : « On va s’occuper d’eux. Le président [Donald Trump] l’a dit très clairement : on va s’attaquer à eux. Ceux qui financent cette propagande, ceux qui diffusent des mensonges, on va s’occuper de vous », a ainsi menacé le milliardaire, dans une interview à la chaîne conservatrice Fox News, ce 27 mars. Mais à Beauvais, les manifestants n’ont que faire de ces coups de pression, estimant que « de toute façon, il dit que des conneries ».