D.R.
Évadons-vous avec un sensuel et somptueux roman, « Aussi dur que l’eau » du grand écrivain chinois Yan Lianke. S’il obtient un jour le Prix Nobel de littérature, vous pourrez dire : « Je l’ai lu ! »
Délaissons les littératures française et américaine pour visiter la Chine, ce pays mystérieux où beaucoup d’entre nous n’iront jamais. Il existe une jolie agence de voyages, la maison d’édition Philippe Picquier, reconnaissable à son petit moine qui a la tête enfouie dans un ouvrage.
Fondée en 1986, installée à Arles (comme Actes Sud), elle s’est spécialisée dans les récits de l’Extrême-Orient, Chine, Corée, Vietnam, Japon, publie essais, beaux livres et bien sûr des fictions. Plonger dans son catalogue, c’est visiter les salles aux trésors de quelques cités interdites, et y trouver des pépites comme le génial écrivain chinois Yan Lianke. Né en 1958, il a écrit une œuvre importante – nouvelles, romans, essais -, aux confins de la satire et de la poésie, qui lui a valu des ennuis avec la censure chinoise mais le place chaque année dans les candidats pour le prix Nobel de littérature.
Papillon blanc et chrysanthème noir
Dans son nouveau et prodigieux roman, Aussi dur que l’eau, il met en scène deux entités antagonistes, la Révolution et la passion charnelle. À la fin des années 1960, le jeune Gao Tsé-toung veut chasser la vieille garde qui dirige son village et gouverner. Sa rencontre avec la belle et sensuelle Rouge Mei va exalter son sentiment révolutionnaire. Mais comment concilier l’amour absolu qu’il éprouve pour cette femme mariée et son ambition politique ?
À LIRE AUSSI : “Adèle Hugo, ses écrits, son histoire” de Laura El Makki : un recueil sobre et chic
Si ses ennemis l’apprennent, il perdra tout. Il fait creuser un tunnel afin de relier sa maison à celle de sa maîtresse et au milieu, y aménage une chambre nuptiale où les amants uniront leur corps sans être vus, incroyable métaphore de la sexualité, de ses labyrinthes et des profondeurs insondables du pouvoir. Yan Lianke nous offre des pages d’un érotisme magnifique, use de métaphores à la force évocatrice indéniable (même si certains esprits cartésiens les trouveront excessives).
Il décrit la jouissance comme « une fine pluie imbibant la terre sèche ». Rouge Mei se jette dans ses bras « tel un papillon blanc ». Ses seins ressemblent à « deux têtes de mouton levées au sommet d’une montagne », et son sexe est décrit comme « un chrysanthème noir » Tout cela n’est jamais vulgaire, et contraste avec les mots en surface peu séduisants, « réunion de district », « comité », les parodies de discours incantatoires et les chants (que le lecteur est autorisé à passer), provoquant un effet saisissant…
À LIRE AUSSI : 5 romans d’écologie qui ne nous prennent pas pour des quiches aux poireaux (bio)
Bien sûr, le récit progresse, le suspense nous tient. Les deux jeunes Bonnie and Clyde révolutionnaires réussiront-ils à cacher leur liaison et à prendre le pouvoir ? Yan Lianke parvient à écrire un thriller politique entre le conte et le poème. Éblouissant.
***
Yan Lianke, Aussi dur que l’eau, traduit du chinois par Pierre-Mong Lim, Éditions Picquier, 585 pages, 24 €.
Nos abonnés aiment
Plus de Culture
Votre abonnement nous engage
En vous abonnant, vous soutenez le projet de la rédaction de Marianne : un journalisme libre, ni partisan, ni pactisant, toujours engagé ; un journalisme à la fois critique et force de proposition.
Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne
