« Le groupe résiste bien dans un environnement chahuté », voilà le message martelé par la direction de Michelin, ce vendredi matin, devant un parterre de près de 1 000 actionnaires réunis pour l’assemblée générale du manufacturier à Clermont-Ferrand. Dans un secteur de l’automobile traversé par une profonde crise, Florent Menegaux, président du groupe, a tenu à souligner la résilience de Bibendum. L’entreprise misant sur l’innovation (258 brevets déposés l’an dernier) et de nouveaux débouchés, au-delà du pneu.
« Nous savons être agiles et inventifs. En étendant notre terrain de jeu, notre stratégie nous rend moins dépendant des fluctuations du seul marché du pneu. Jour après jour, nous construisons un manufacturier leader mondial des composites », a rassuré le président.
En 2024, le résultat opérationnel de Michelin s’est établi à 3,4 milliards d’euros avec une marge stable. De quoi permettre d’augmenter la rémunération des actionnaires. L’assemblée générale a en effet validé, ce matin, un dividende de 1,38 euro par action au titre de 2024, soit une hausse de 2,2%, ce qui représente un taux de distribution de 52 % du résultat net consolidé.
« Le rendement total ressort à 130 % sur les dix dernières années en incluant les dividendes et les cours de l’action », a détaillé Yves Chapot, directeur financier de Michelin.
« Des salariés sacrifiés au profit des actionnaires », selon la CGT
Des chiffres difficiles à entendre pour les syndicats après l’annonce, en novembre dernier, de la fermeture des deux usines de Cholet et Vannes, affectant plus de 1 250 salariés. Ces derniers étaient d’ailleurs rassemblés aujourd’hui pour un « barbecue de la colère ». « On comprend qui Michelin privilégie. Plus de la moitié du résultat net ira aux actionnaires qui n’ont fait aucun effort. Seuls les salariés produisent la richesse », s’insurge Romain Baciak, délégué syndical central CGT chez Michelin. Et ce syndicaliste de poursuivre :
« Les 1 254 salariés de Vannes et Cholet sont sacrifiés pour le simple profit des actionnaires. Il n’y avait aucune raison de fermer ces sites. Ils étaient rentables, seulement pas au niveau souhaité par la direction. »
La CFE-CGC, syndicat majoritaire au sein de Michelin, est plus mesurée sur cette hausse des dividendes.
« C’est une conséquence logique des résultats. Mais ce qui serait bien, c’est que les salariés puissent aussi en profiter. Or, les rémunérations variables et notamment le bonus groupe, qui est assis sur les résultats du groupe, eux, ont fortement reculé. Il y a un manque de cohérence », souligne Dominique Bourgois, délégué syndical CFE-CGC en charge des questions économiques.
Le syndicat indique d’ailleurs qu’avec un taux de distribution à 52 %, Michelin se situe à un niveau bien supérieur à ce qui a été pratiqué ailleurs en 2024. Pour preuve, une étude publiée en janvier par La Lettre de Vernimmen, indique que le taux de distribution des entreprises du CAC 40 s’élevait à 42 % pour les dividendes (hors rachats d’actions). Des critiques balayées par le PDG du groupe.
« Ce débat, pour moi, n’existe pas. Michelin fait de bons résultats, paie ses salariés très correctement avec le salaire décent, le socle de protection universel. Nous distribuons des primes variables et il nous reste à rémunérer l’actionnaire. Nous avons un taux de rémunération de l’actionnaire qui est de l’ordre de ce qu’on pourrait trouver sur le marché d’immobilier pour un loyer », se défend Florent Menegaux.
La rémunération de Florent Menegaux validée
Autre point de crispation, la rémunération du dirigeant (1,11 million d’euros pour la part fixe, 1,159 million d’euros pour la part variable au titre de 2024), approuvée à plus de 97 % par les actionnaires. La CFE-CGC dénonce un ratio en hausse entre le salaire de Florent Menegaux et le salaire moyen des salariés du groupe. En un an, l’écart entre les deux est passé de 48 à 55, selon le syndicat.
« Nous avons appelé à voter contre cette rémunération. Nous trouvons qu’être rémunéré 55 fois la rémunération moyenne des salariés, ça commence à faire beaucoup », indique Dominique Bourgois de la CFE-CGC.
D’autant plus que, selon ce représentant syndical, le groupe a lancé une « modération » salariale, voire recommandé un gel, pour environ la moitié des collaborateurs. Florent Menegaux, de son côté, précise que sa rémunération fixe « n’a pas bougé 5 ans ou 6 ans ».
« Je considère ma rémunération tout à fait correcte et suffisante. Surtout elle est plafonnée », déclare le PDG.
Son variable est, en effet, plafonné à 150 % du fixe et ses actions de performance à 130%. Et puis, à titre de comparaison, avec moins de 3 millions d’euros, Florent Menegaux se situe dans la fourchette basse des rémunérations des patrons du CAC 40.
Sur le podium des dirigeants les mieux payés : Bernard Charlès, directeur général de Dassault Systèmes (46,8 millions d’euros), Ilham Kadri de Solvay (23 millions d’euros) et Carlos Tavares de Stellantis (17,8 millions). Chiffres établis par le cabinet Proxinvest qui comprennent le salaire fixe, les bonus annuels, mais aussi des formes indirectes de rémunération comme l’attribution d’actions.