« Signal fatal pour le libre-échange », « Une très mauvaise nouvelle », « Il n’y a aucun gagnant dans une guerre commerciale ». Le monde économique s’est réveillé groggy ce jeudi, après l’annonce de 25 % de droits de douane sur les automobiles importées aux Etats-Unis, à partir du 2 avril.
La réaction d’Elon Musk, patron de Tesla, ne s’est pas fait attendre. Sur son réseau social X, le patron milliardaire a lancé : « Pour être clair, cela affectera le prix des pièces détachées des voitures Tesla qui viennent d’autres pays. L’effet sur les coûts n’est pas négligeable ».
Le ton est sensiblement le même chez les américains Ford, General Motors, mais aussi Stellantis North America, propriétaire de Chrysler et Dodge. Dans un communiqué de l’association professionnelle des constructeurs américains (AAPC), le trois groupes ont affirmé qu’il était « crucial » que les droits de douane ne fassent pas « monter les prix pour les consommateurs », plaidant pour la « compétitivité » de la production automobile « nord-américaine ».
Modèle économique impacté
Pourquoi les constructeurs américains se sentent-ils menacés ? C’est qu’ils possèdent de nombreuses usines au Mexique et au Canada, visés par ces nouvelles taxes de 25 %. Des chaînes de production qui nécessitent des allers-retours quotidiens de pièces pour des véhicules assemblés de part et d’autre des deux frontières.
Pour les rassurer, l’administration Trump a tout de même prévu cette modalité exceptionnelle : les véhicules assemblés au Mexique ou au Canada se verront appliquer les 25 % de taxes sur la seule part des pièces ne provenant pas des États-Unis. En sachant que parmi les véhicules assemblés aux États-Unis « la moitié l’est à partir de pièces provenant de l’étranger », a expliqué mercredi soir le conseiller au commerce de Donald Trump, Peter Navarro.
Tesla avantagé ?
Lorsqu’on s’intéresse plus précisément au cas de Tesla, les effets négatifs de ces nouvelles taxes semblent moins évidents. En effet, le constructeur possède un grand nombre d’usines sur le territoire américain, dans lesquelles 100 % de ses véhicules destinés aux États-Unis y sont fabriqués. Une configuration qui pourrait avantager Elon Musk.
« En considérant cet aspect industriel de Tesla, on peut s’attendre à un relatif avantage du constructeur en matière compétitivité – prix par rapport à ses concurrents », analyse Guillaume Crunelle, associé au cabinet de conseil Deloitte, et spécialiste du marché automobile.
Cette mécanique avantageuse devrait bénéficier par exemple au SUV « Model Y » et à la berline « Model 3 » de Tesla, qui a perdu des parts de marché cette année, au profit de véhicules comme le Chevrolet « Equinox EV » de General Motors et la Ford « Mustang Mach-E », assemblés au Mexique.
Pas si sûr…
Le New York Times affirme que Tesla pourrait « moins souffrir moins que ses concurrents » grâce à ses usines made in USA. Mais quid de ses coûts de production, qui, selon le quotidien américain, pourraient tout de même « augmenter en raison des droits de douane sur les pièces importées » ?
À cette question, le cadre de Deloitte se montre prudent. D’après lui, nul ne connaît la part de pièces importées dans les véhicules Tesla. « C’est un secret industriel chez tous les constructeurs auto, donc difficile de savoir ». Quoi qu’il en soit, l’expert reste nuancé quant au réel avantage que pourrait tirer Tesla. Il précise : « Il faut rappeler que Tesla a perdu ses aides américaines à l’achat pour les véhicules électriques. Il faut voir si ces nouveaux droits de douane ne vont pas l’aider à compenser cette perte. »
Et de conclure : « On peut dire que les nouveaux tarifs douaniers impacteront moins négativement Tesla que ses concurrents. Mais cette mesure désavantage tous les constructeurs, américains ou pas. Car au final, les prix des voitures montent et les constructeurs perdront des clients. Cette mesure sera à coup sûr inflationniste. »
Selon une note récente du cabinet de conseil Bernstein, les droits de douane ajouteraient jusqu’à 75 milliards de dollars par an aux coûts des constructeurs automobiles, qu’ils devraient répercuter sur les acheteurs.
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