Quand le monde alentour déraille, que peut faire l’écrivain ? Première option, rendre compte du désastre avec une attention scrupuleuse « aux petits faits, aux petites gens », ce que fait avec talent le romancier israélien Dror Mishani dans « Au ras du sol », son « journal d’un écrivain en temps de guerre » (Gallimard) récemment interviewé par Marianne. Ou bien au contraire, deuxième option, dynamiter le réel par des fictions barrées qui en font surgir l’absurdité. C’est ce que réussit en virtuose un autre écrivain, également israélien, Etgar Keret, avec « Correction automatique » (L’Olivier).
Dans Correction automatique, le conflit israélo-palestinien reste hors-champ, mais la vie quotidienne part constamment en vrille. « Sur son profil Tinder, il s’appelait Oshik, trente-huit ans, marié, sans enfant, il cherchait une femme pour une relation durable ». D’emblée, dans « Gondole », quelque chose perturbe comiquement les repères habituels. Dans un salon de thé de Tel Aviv, la première rencontre entre Oshik et Dorit ressemble « plutôt à un mariage arrangé entre religieux qu’aux préliminaires d’une baise Tinder ».