Sur le Port Edouard Herriot, à Lyon, la plateforme de gestion des déchets du BTP de Serfim Recyclage – filiale du groupe Serfim (2.800 salariés ; 620 millions d’euros de chiffre d’affaires) – propose un nouveau service à ses clients : ici, sur ce site de plus de 10.000 m² accueillant 35.000 tonnes de déchets du BTP par an, un espace bien identifié de 200 m² est désormais réservé aux matériaux destinés au réemploi.
Une initiative qui s’inscrit dans le cadre de la loi Agec qui prévoit la mise en place d’une filière Responsabilité Élargie du Producteur (REP) pour les Produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment (PMCB) selon le principe du « pollueur payeur ». Ces déchets représentent 42 millions de tonnes par an, dont 75% de déchets inertes.
C’est une première sur le territoire de la Métropole lyonnaise. D’autres espaces de réemploi existent par ailleurs, comme la plateforme Minéka à Villeurbanne ou l’espace Bobi réemploi, en revanche, c’est la première fois que les professionnels du bâtiment peuvent déposer sur un seul site, et donc avec un seul trajet, leurs matériaux réemployables en même temps que leurs déchets destinés à la revalorisation ou à l’enfouissement.
« Aujourd’hui, sur nos déchetteries professionnelles, il ne nous est pas possible de réaliser un tri manuel de ce qui est réemployable ou pas parmi les centaines de tonnes de déchets amenés chaque jour par nos clients », explique Raphaël Gas, président de Serfim Recyclage, leader régional du recyclage des déchets du BTP (500.000 tonnes par an), devant des groupes tels RDS ou Alvi.
Ainsi, « l’ouverture de cette zone dédiée doit permettre de faciliter la collecte et le geste de tri et donc d’augmenter significativement les volumes dédiés au réemploi. Les artisans pourront eux-mêmes déposer les déchets qu’ils estiment réemployables, sans subir de contrainte supplémentaire », poursuit-il.
Déployer le réemploi sur les petits chantiers
Ce nouvel espace est ouvert pour le moment sous la forme d’une expérimentation d’un an menée avec la PME lyonnaise Made In Past (28 salariés, 1,8 million d’euros de chiffre d’affaires en 2024), spécialisée dans le réemploi des matériaux de construction (de l’identification des gisements jusqu’à la commercialisation des matériaux, en passant par la dépose sélective et le reconditionnement). Made in Past travaille par exemple, actuellement, sur le démantèlement du Grand Palais éphémère sur le Champs-de-Mars à Paris.
« Le réemploi se développe sur les chantiers importants, avec une dépose sur place réalisée par les professionnels du réemploi, et cela fonctionne. En revanche, sur les petits chantiers, c’est plus compliqué à mettre en place car il est difficile d’obtenir un équilibre économique. Cette zone de réemploi que nous met à disposition Serfim recyclage va permettre d’aller chercher du réemploi sur des petites opérations », décrypte Maxime Cornut, cofondateur en 2020 de Made In Past.
L’investissement est très modeste, pour l’heure il s’agit surtout de mettre à disposition un espace dédié dans lequel trois types de déchets vont être collectés : les sanitaires, les chemins de câbles et les dalles techniques. « Ce sont trois flux faciles à identifier pour les artisans et les entreprises. Cela permettra d’étudier la réponse du marché », poursuit le dirigeant de la PME. La zone doit permettre à Made in Past de massifier ses volumes et de faciliter ainsi la commercialisation.
« Les donneurs d’ordre de la construction sont forcément plus sensibles au réemploi qu’il y a quelques années en raison de l’évolution de la réglementation. Dans le cadre de la RE2020 par exemple, les matériaux en réemploi sont considérés à zéro émission carbone ».
Au terme de cette expérimentation, ces zones dédiées pourraient être dupliquées sur d’autres déchetteries de Serfim et élargies à d’autres matériaux.
Atteindre les 5% de réemploi en 2028 : mission impossible ?
L’initiative lyonnaise est soutenue par Valobat, l’un des quatre éco-organismes intervenant dans la REP PMCB (Responsabilité Élargie du Producteur des produits et matériaux de construction pour le bâtiment), déployée depuis le 1er janvier 2023.
Dans le cadre de cette REP, l’État a fixé pour objectif d’atteindre en 2028 un taux de 5% de réemploi pour les déchets du Bâtiment. On en est très loin : en 2022, l’Ademe estimait dans son rapport « Réemploi des matériaux de construction » que moins de 1% des déchets de la filière Bâtiment était réemployé.
Pour 2024, le chiffre n’est pas connu, il aurait progressé mais pas suffisamment pour atteindre l’objectif, selon Jérôme d’Assigny, directeur des relations publiques, de la relation Collectivités et Maîtrise d’ouvrage Chantiers de Valobat.
« Le sujet du réemploi est primordial mais l’objectif de 5% est trop ambitieux. Nous demandons d’ailleurs une réévaluation de ces objectifs avec des modulations plus fines par catégorie. Cela étant dit, nous progressons et cette nouvelle zone de réemploi chez Serfim est très intéressante, nous allons observer attentivement sa progression ».
L’éco-organisme soutient aujourd’hui financièrement les acteurs du réemploi à hauteur de 5 euros la tonne pour les déchets inertes (béton, briques, gravats, bitume etc) et de 45 euros la tonne pour les déchets non inertes (métal, bois, plastique, enduits, peintures et vernis, menuiseries à base de verre, plâtre, laine de verre ou de roche).