Le gouvernement espagnol a levé le voile mardi sur les causes du blackout massif ayant frappé la péninsule ibérique le 28 avril dernier. Dans un rapport détaillé, fruit de sept semaines d’enquête, les autorités dressent le récit d’un enchaînement de failles techniques et de décisions tardives qui ont conduit à l’effondrement du réseau électrique national, impactant plusieurs millions d’usagers.
Un réseau fragilisé en amont
Selon le rapport coordonné par le ministère de la Transition écologique, les signaux d’alerte n’ont pas manqué. Plusieurs jours avant l’incident, le gestionnaire du réseau, Red Eléctrica de España (REE), avait détecté des fluctuations anormales de fréquence sur le système. En réponse, dix centrales thermiques devaient être activées le 28 avril pour stabiliser la tension – une manœuvre considérée comme courante.
Mais la veille de la panne, l’une de ces unités a annoncé son indisponibilité. REE n’a alors pas pris la décision de la remplacer, un choix que la ministre Sara Aagesen qualifie aujourd’hui de lacune majeure dans l’anticipation des risques.
Une oscillation hors norme comme point de bascule
Le 28 avril à 12h03, une oscillation de fréquence de 0,6 hertz, d’origine ibérique, est enregistrée – un écart significatif dans un système calibré à 50 Hz en Europe. Cette perturbation, qui dure près de cinq minutes, provoque des variations de tension critiques. Conformément aux protocoles, REE réduit les échanges électriques avec la France et densifie le maillage du réseau, une stratégie qui accroît paradoxalement la tension.
À 12h19, une nouvelle oscillation, plus modérée (0,2 Hz), est détectée. Jugée « typique » par les experts, elle entraîne les mêmes contre-mesures. REE tente alors de reconnecter une centrale thermique située dans le sud du pays. Mais l’unité requiert plus de 90 minutes pour démarrer : un délai bien trop long pour enrayer la dégradation.
Effet domino sur le territoire
Dès 12h32, le réseau entre en crise. En vingt secondes à peine, une série de coupures automatiques se déclenche dans plusieurs provinces, dont Grenade, Séville et Badajoz. Ces déconnexions, censées protéger les infrastructures, s’avèrent partiellement inappropriées selon le rapport. Elles enclenchent une réaction en chaîne, aggravant les déséquilibres de tension.
Les principales entreprises énergétiques, gestionnaires de ces installations, sont pointées du doigt pour la gestion inadéquate de ces protections, un élément qualifié de « facteur aggravant » par l’exécutif.
Un effondrement en quelques secondes
À 12h33, le système lâche. La surtension devient incontrôlable, provoquant une chute brutale de fréquence et la désynchronisation complète avec le réseau français. Résultat : un effondrement généralisé du réseau électrique espagnol.
« Le système est arrivé à un point de non-retour », a reconnu la ministre Aagesen. Malgré un parc de production théoriquement suffisant, les défaillances dans l’activation des ressources destinées à stabiliser la tension ont précipité la panne.
Le rapport met en évidence les vulnérabilités d’un réseau pourtant robuste, soulignant la nécessité de revoir les procédures de programmation et de coordination en cas de crise. Un signal fort à destination des acteurs du secteur, alors que l’électrification croissante de l’économie européenne impose une fiabilité sans faille des infrastructures énergétiques.
(avec AFP)
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La Tribune