Sous le toit de Cardiff, l’Union Bordeaux Bègles s’est hissée au sommet de l’Europe et a inscrit la première ligne de son palmarès. Cela n’a pas été aussi épique qu’attendu face à des Anglais de Northampton souvent dans les cordes - très vite amputés de trois joueurs sur blessure - mais qui ont su rester à distance raisonnable. Cela a été à l’image de la saison de l’UBB : implacable.
Ce sacre récompense un sans-faute, orné d’un moment de félicité en demi-finale face à Toulouse, étincelle de la revanche sur la saison passée, conclue par un cauchemar en finale du Top 14 (59-3). « On n’a pas fait le plus beau match mais la pression du premier trophée montait », a soufflé l’entraîneur, Yannick Bru, sur France 2. L’UBB devait crever le plafond avant d’enrichir le complexe du finaliste, celui qui a longtemps accablé une institution comme Clermont. Et qui a longtemps rodé au Millennium alors que les joueurs de l’UBB semblaient avoir un boulevard pour prendre leurs aises.
Comment Northampton a-t‑il pu rentrer à égalité aux vestiaires (20-20) en ayant vu que du bleu pendant 37 minutes ? Parce qu’une mi-temps en fait trois de plus, que l’UBB avait raté son entame et s’était relâchée une minute trop tôt. Les Anglais ont optimisé les miettes, les Français ont un peu mangé. Y compris Matthieu Jalibert au moment de convertir les fulgurances maison, alors qu’il régalait avec des numéros de claquettes. Mais ils sont restés fidèles à leur plan de jeu. Et lentement mais sûrement, cela a payé dans un second acte qui a vu Maxime Lucu prendre les choses en main.
La place des Quinconces, où s’étaient massés des milliers de supporters, a explosé. Il fallait le faire, loin de Bordeaux et de ses 30 000 réguliers, où s’était égrené ce parcours pimenté (Ulster, Munster, Toulouse). Surtout, il fallait le faire contre une équipe anglaise. Ce que seuls Brive et Toulon avaient réussi, pour six défaites en finale jusque-là. Avec le CAB, mais aussi avec le Stade rochelais, l’Union partage la particularité d’avoir conquis le continent sans jamais avoir été couronné à la maison.
Penaud record
« On était tellement tristes après la finale de l’an passé, se remémore Matthieu Jalibert. Le président [Laurent Marti] avait eu des mots forts. Il avait dit qu’on allait revenir… » Mais ce n’étaient que des mots. Il y a donc eu des actes. Et des envolées en rafale de la patrouille de France menée par le surdoué Louis Bielle-Biarrey et Damian Penaud, meilleur joueur de la compétition et recordman d’essais (14). « On n’a jamais rien lâché, on s’est envoyés comme des chiens, on est récompensés, je suis trop heureux », a formulé ce dernier.
La France règne. Cinq ans que le trophée se balade à l’intérieur des frontières. Cela répond à la logique d’un Top 14 dominateur financièrement depuis la crise sanitaire mais aussi à une culture originelle. En trente éditions de Coupe d’Europe, qui n’en est plus une depuis que la compétition s’est ouverte aux franchises sud-africaines en 2022, la France triomphe 43 % du temps, et place au moins un représentant en finale trois fois sur quatre.
Paradoxalement, l’UBB n’est que le cinquième club tricolore à inscrire son nom au palmarès. Une performance en soi. Car même si ses racines sont profondes, son histoire est récente : l’Union est sortie de terre en 2006, six ans après l’unique sacre européen de Northampton, et a découvert l’élite l’année où les Saints se faisaient ratiboiser leur deuxième finale.
Le palmarès de l’UBB peut encore s’enrichir d’un premier Top 14 fin juin, pour un doublé dans la lignée de Toulon (2014) et Toulouse (1996, 2021 et 2024). À deux journées de la fin, les Bordelais émargent d’ailleurs à la 2e place entre ces deux références historiques. Et la perspective d’un nouveau dénouement face au glouton toulousain fait saliver, un an après le violent bizutage : les deux meilleures équipes de l’Hexagone se sont affrontées trois fois cette saison pour autant de succès girondins. Les finales, désormais, ils les gagnent.
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Solen Cherrier