Chez beaucoup de supporters parisiens, le sacre du PSG en Ligue des champions laisse un immense sentiment de vide. En clôturant des années de souffrance sur la scène européenne, ce sommet émotionnel laisse désormais place à un profond questionnement chez les fans de la première heure.
Il était dans les tribunes du Camp Nou un certain soir de mars 2017. “J’étais au fameux match de Barcelone. C’est la plus longue nuit de ma vie”, souffle Flavien, 36 ans et supporter du PSG depuis son enfance. “Je me rappelle chaque minute qui ont suivi le retour à l’auberge. Le retour du stade, le fait de tous se croiser et de ne même pas vouloir se regarder dans les yeux tellement on n’avait pas de mots.”
Un peu plus de huit ans plus tard, le sentiment de honte a disparu et les regards baissés ont laissé leur place à des images de communion. De cette soirée cauchemardesque en Catalogne à l’ivresse de Munich, samedi pour le sacre du PSG en Ligue des champions contre l’Inter Milan, les supporters parisiens ont connu un long chemin de croix. Et l’aboutissement de cette quête laisse un immense sentiment de vide chez les fans de la première heure.
“Tout est irréel. C’est trop bizarre”, confie Flavien. “On se dit ‘wow, ça fait 25 ans que je suis le club, 14 ans qu’on ne parle que de la Ligue des champions… et là ça vient d’arriver!’ Ça ne sera plus jamais pareil. On sait qu’on a vécu un truc qu’on ne revivra plus… ça fait un peu peur. Émotionnellement, je ne sais pas comment me situer.”
“Ça se méritait de soutenir le PSG!”
Depuis le rachat du club par Qatar Sports Investments, gagner la Ligue des champions était un objectif qui a rapidement viré à l’obsession. L’échec du 3-5-2 de Laurent Blanc contre Manchester City en 2016, la Remontada du Barça en 2017, la débâcle face à Manchester United en 2019, le fiasco de Bernabeu et le triplé de Karim Benzema en 2022… Jusqu’à ce que Marquinhos soulève le trophée dans le ciel bavarois, chaque échec sur la scène européenne a jalonné ce parcours du combattant.
“Il y avait quelque chose qui unissait les supporters historiques du PSG, c’était ces évènements improbables, ce sort qui s’acharnait”, approuve Samy, 43 ans… dont 35 à suivre le club de la capitale. “Le fait de continuer à les soutenir, c’était un peu notre bannière, notre marque de fabrique. Ça se méritait de soutenir le PSG! En tant que supporter du PSG oui, c’est beaucoup de souffrance. En dehors des titres nationaux qui s’accumulaient et qui n’avaient plus autant d’importance, il fallait être vaillants et avoir le cœur bien accroché. On avait l’impression qu’on avait le destin, qu’on y arriverait jamais. Et pourtant, on se retrouvait tout le temps, on continuait à les soutenir. Maintenant, c’est fini ! Le sort est vaincu.”
“Peur que ça ne soit plus pareil”
Une fois l’euphorie du titre passée, un certain nombre de supporters se sont retrouvés seuls face au miroir. Et l’extase de ce week-end de sacre a vite été remplacée par des questionnements presque philosophiques. “Il y a une petite nostalgie. L’après-coup est compliqué. On se dit que c’est passé, que ce n’était presque ‘que’ ça. Un peu comme les sportifs qui réalisent leur quête aux JO. C’est plus le chemin que la réalisation qui est important”, confie Edouard, juriste de 28 ans. “C’est la crainte de la première fois”, appuie Guillaume, supporter du PSG depuis l’époque Bourillon-Pancrate. “La peur que ça ne soit plus pareil, qu’il n’y ait plus autant d’émotions. Ce qui me faisait autant aimer ce club, c’est autant les bons que les mauvais résultats, c’est un peu l’aspect ambivalent de cette passion, comme en amour. Il n’y aura plus l’adrénaline qui nous faisait tant aimer ce club avec les désillusions.”
Edouard, qui a passé son mois de mai à attendre le grand jour de la finale, redoute cette absence de perspective au quotidien. “Maintenant que c’est passé, j’ai du mal à aller de l’avant. Un peu comme un baby blues, ce genre de sentiments d’avoir vécu quelque chose de génial et derrière un retour à la normale difficile”, image-t-il.
Aucune excitation pour le début de la prochaine campagne européenne?
Après la délivrance de ce sacre en C1, beaucoup de supporters se demandent comment ils vont pouvoir atteindre de tels sommets émotionnels. Le début de l’édition 2025-2026 de la Ligue des champions, en septembre, est particulièrement redouté. “Il n’y aura plus cette excitation du début de saison, où on regarde attentivement si le mercato a été pertinent ou pas. Depuis 15 ans, le PSG c’était toujours le même cycle: la désillusion en mars, l’espoir qui revenait au mercato, l’excitation du début de saison… Là, il va y avoir un petit vide”, assure Guillaume. “Mais ça va revenir très vite. Encore une fois, c’est comme en amour. Au début on dit ‘plus jamais’ et après on y revient…”
À chaque mois de septembre, le début de l’aventure européenne du PSG était l’un des moments les plus attendus de la saison. Est-ce enfin la bonne année? Le club de la capitale est-il assez armé pour aller chercher le titre? Toutes les entrées en lice du club de la capitale en C1 nourrissaient les débats et les espoirs les plus fous chez les supporters. Qui sont donc obligés de trouver de nouveaux challenges à relever. “On en retrouvera peut-être d’autres. Les supporters du Real Madrid retrouvent un objectif chaque année en la gagnant continuellement. Mais l’attente sera forcément un peu moindre. Le Graal est maintenant atteint, donc comment avoir un lendemain plus excitant? Je ne sais pas”, s’inquiète Edouard.
Solder les comptes avec le Real Madrid et le Barça
Relancer la machine après être monté sur le toit de l’Europe s’annonce délicat. Mais certains supporters tentent de trouver des objectifs précis. “Maintenant, le but est de battre les grands rivaux. Éliminer directement le Real, le Barça… La phase d’après, c’est de solder les comptes avec ceux qui nous ont joué des sales tours”, s’amuse Samy.
“À titre perso, l’objectif est d’ancrer l’identité de jeu de Luis Enrique“, tranche de son côté Guillaume. “On est enfin respectés sur ce que dégage le PSG. Un des problèmes, c’était la connotation starlette qui faisait qu’on était détestés pas les Allemands, les Anglais… L’objectif est donc d’avoir une identité de jeu très claire, basée sur le collectif, le pressing et avec des jeunes à faire monter.”
Il y a donc ces objectifs symboliques. Mais également des motivations bien concrètes, comme celles de Flavien, ce fameux supporter présent dans les tribunes du Camp Nou lors de la Remontada en 2017. “Moi, j’ai hâte d’être en septembre. J’ai envie que ça commence pour revoir les images du sacre”, sourit le supporter parisien. “A chaque pub, on va revoir Marquinhos soulever la coupe avec tout le monde. Ça va encore être une petite larme de voir ça! J’ai aussi hâte de voir le patch ‘vainqueur Ligue des champions’ sur le maillot…” Tous les moyens sont bons pour prolonger l’euphorie après tant d’années de souffrance.