C’est un changement majeur qui se profile pour les demandeurs d’emploi. Dès le 1er juin, France Travail va revoir de fond en comble sa méthode de contrôle et de sanction. Oubliez la radiation automatique pour un simple rendez-vous manqué : l’heure est à la « remobilisation » et à une approche plus humaine. Cette transformation radicale pourrait bien redéfinir la relation entre l’organisme et des millions de chômeurs.
Jusqu’à présent, le système était impitoyable. Jean-Pierre Tabeur, directeur du programme Parcours d’accompagnement personnalisé chez France Travail, le reconnaît : « L’absence à une convocation était gérée par un système de sanctions assez mécanique. » Résultat ? Une radiation potentielle, même pour des personnes très actives dans leur recherche d’emploi. Une mesure « rude » et souvent « injuste », qui ne tenait pas compte des réalités individuelles.
Vers une« suspension/remobilisation »
Le nouveau décret, qui entre en vigueur dans quelques jours, va tout changer. Désormais, si un demandeur d’emploi prouve qu’il est activement en recherche, France Travail ne le sanctionnera pas, même en cas d’absence à un rendez-vous. C’est une véritable bouffée d’oxygène, qui permet de contextualiser et de comprendre les situations.
Au cœur de cette réforme, la nouvelle sanction dite de « suspension/remobilisation » va devenir la norme. Son atout majeur ? Elle ne rompt pas le lien avec le demandeur d’emploi. Concrètement, si une sanction est appliquée, elle prendra la forme d’une réduction d’un pourcentage du revenu de remplacement. Mais la bonne nouvelle, c’est que cette sanction sera « immédiatement levée » dès que le chômeur reprendra ses démarches actives, avec l’aide de France Travail. Une logique de « seconde chance » qui l’emporte sur la punition aveugle.
Des expérimentations encourageantes
Ce virage a déjà été testé. Depuis juillet dernier, huit régions pilotes (Auvergne-Rhône-Alpes, Bretagne, Grand-Est, Hauts-de-France, la Réunion, Nouvelle-Aquitaine, Occitanie et Provence-Alpes-Côte d’Azur) ont expérimenté ce nouveau dispositif de « contrôle de la recherche d’emploi ».
Et les premiers retours sont plus que positifs. Selon France Travail, cette nouvelle procédure n’a pas entraîné d’augmentation du taux de sanction. Mieux encore, les délais de traitement des dossiers ont été réduits de 21 % (soit environ 4,5 jours), et des gains de productivité ont été constatés dans la réalisation des contrôles.
Les chiffres de 2024 parlent d’eux-mêmes : sur les 616 367 chômeurs contrôlés, 55 % étaient activement en recherche d’emploi et 21 % avaient un « besoin de redynamisation ». Seulement 17 % (soit 103 765 personnes) ont été radiés. Un élément notable : plus de la moitié des contrôles ciblent désormais des demandeurs d’emploi sortant de formation ou dans des métiers en tension, des profils jugés plus susceptibles de retrouver rapidement un emploi.
Tripler les contrôles tout en humanisant la démarche
Comment sont déclenchés ces contrôles ? Une fois sur cinq, c’est un tirage au sort qui les initie, afin de s’assurer que « tout demandeur d’emploi peut potentiellement être contrôlé », explique Jean-Pierre Tabeur. Dans 15 % des cas, c’est le conseiller référent du chômeur qui signale une situation nécessitant un contrôle.
Cette évolution s’inscrit dans un contexte politique clair : en mars 2024, le Premier ministre Gabriel Attal avait annoncé un triplement des contrôles durant les trois prochaines années, avec un objectif de 1,5 million en 2027. France Travail se retrouve donc face à un double défi : intensifier les contrôles tout en les rendant plus justes et plus humains. Un équilibre délicat à trouver, qui pourrait bien transformer durablement l’accompagnement des demandeurs d’emploi en France.
(Avec AFP.)
À lire également
latribune.fr