LA TRIBUNE — Pourquoi consacrer un livre entier aux crédits carbone ?
CORINNE LEPAGE — Le sujet est intéressant, il me semble mature, et il n’a encore fait l’objet que de peu de littérature en français. Le Giec lui-même nous dit qu’on aura à la fois besoin d’atténuation [la baisse effective des émissions] et de compensation [financer des projets qui permettent d’éviter des émissions], et, donc, de crédits carbone. Et ce, d’autant plus que nos puits de carbone naturels s’effondrent. Par exemple, la capacité d’absorption de CO2 des forêts françaises a été divisée par deux ces dix dernières années. Par ailleurs, les financements publics se font de plus en plus rares, ce qui conduit à une financiarisation inéluctable de ces sujets afin de mobiliser les fonds privés. Enfin, on observe une évolution légale à la fois à l’échelle nationale, européenne et mondiale. En France, c’est le label bas-carbone qui, en devenant cessible, acquiert la qualité de crédit carbone ; en Europe, c’est le règlement CRCF [Carbon Removal Certification Framework], approuvé en avril 2024, qui concerne une catégorie particulière de la séquestration carbone liée au règlement pour une industrie Net Zero, et s’échangera sur un marché spécifique.