Un an avant les élections municipales de mars 2026, le Marché international des professionnels de l’immobilier (Mipim) s’ouvre à Cannes cette semaine après une année cataclysmique tant sur le plan de l’habitat ancien que du logement neuf où l’offre de biens disponibles ne rencontre pas son public, faute de perspectives rassurantes en France et à l’international. Et si le Premier ministre François Bayrou a échappé à une motion de censure sur le budget 2025, l’instabilité politique nationale ne rassure guère les acheteurs avec la crainte d’une fiscalité encore plus dissuasive à l’investissement immobilier.
Ainsi, après avoir constaté, tout au long de l’année dernière, une poursuite de la diminution des volumes et une réduction des prix, le Conseil supérieur du notariat observait une amélioration des transactions fin 2024, avant que la censure du gouvernement Barnier ne fasse de nouveau chuter la confiance des ménages.
« Les ménages ont besoin de visibilité. Si reprise il y a, elle se fera par à-coups. La baisse d’un point des taux d’emprunt a eu un impact positif sur le pouvoir d’achat des Français, mais la situation politique nationale et géopolitique internationale restent synonymes d’instabilité qui obèrent la confiance », témoigne ainsi maître Priscille Caignault, notaire à Tulle (Corrèze) et membre du bureau du CSN. Le président de la Fédération nationale de l’immobilier (FNAIM), Loïc Cantin, fait, lui, preuve d’un « optimisme prudent ».
« Tout cela redonne de l’oxygène, de la dynamique au marché et permet de reconstituer du pouvoir d’achat pour les ménages exposés à des prix corrigés, mais la baisse des prix doit se conjuguer avec une baisse des taux pour une reprise progressive de l’activité », souligne-t-il. La BCE devrait de ce côté apporter des bonnes nouvelles d’ici la fin du semestre.
De leur côté, les promoteurs immobiliers sont les grands gagnants de la dernière loi de finances. Après une « hécatombe » pour le logement collectif en 2024 avec seulement 164 400 permis de construire délivrés, soit 12,3 % de moins qu’en 2023, et moins de 10 000 logements mis en vente au dernier trimestre, les professionnels parient beaucoup sur l’exonération sur les donations inscrite dans le budget 2025. Autrement dit, un donataire pourra bénéficier de jusqu’à 300 000 euros de sa famille pour acquérir un bien neuf d’ici au 31 décembre 2026. « Cela représente jusqu’à 30 à 40 000 ventes par an », estime Pascal Boulanger, le président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI).
Le BRS est une solution très adaptée aux besoins des primo-accédants à la propriété, mais il faudrait davantage de volume, un objectif qui reste compliqué à atteindre dans le contexte actuel.
« C’est une mesure de riche et non une mesure de justice sociale ! Qui dispose de 300 000 euros ? » tempête son homologue de la FNAIM. Ce dernier s’émeut également de la possibilité pour les départements d’augmenter les droits de mutation à titre onéreux qui entrent dans le calcul des frais de notaire. « C’est un très mauvais signal au moment même où la propriété fait déjà l’objet d’un relèvement de la taxe foncière dans les grandes villes. On contraint encore l’acquisition », pointe Loïc Cantin. « J’ai tenu à exclure les primo-accédants de cette hausse et je reste vigilante », rétorque la ministre du Logement Valérie Létard dans une interview accordée à La Tribune Dimanche (lire page 4).
La Valenciennoise est en outre une fervente avocate du bail réel solidaire (BRS). Derrière cette formule qui échappe au commun des mortels, il s’agit de dissocier le foncier et le bâti pour proposer aux ménages d’acquérir des logements jusqu’à deux fois moins chers que les prix classiques du marché immobilier. En effet, au lieu d’acheter un habitat en pleine propriété, une famille n’acquiert que les murs via un bail de très longue durée. Le terrain reste, lui, à la main d’un organisme foncier solidaire – un OFS dans le jargon.
En contrepartie, et sous condition de ressources définies par l’État, l’occupant s’engage à y vivre au titre de sa résidence principale. « Le BRS est une solution très adaptée aux besoins des primo-accédants à la propriété, mais il faudrait davantage de volume, un objectif qui reste compliqué à atteindre dans le contexte actuel », relève néanmoins Quentin Lamour, directeur national études et conseil du cabinet Adéquation.
Des projets freinés par la loi ZAN
Dans un contexte de crise durable du logement, de nouvelles tendances émergent comme l’immobilier participatif, pensé et administré par les particuliers qui ont décidé de s’engager dans cette aventure collective. Chacun a son chez-soi mais entretient une réelle relation de voisinage avec son camarade de palier. Cela passe par un espace commun ou la systématisation de prêts d’outils et de matériels. Les promoteurs traditionnels commencent donc à se positionner sur ce créneau, conscients des possibles débouchés, même si l’activité reste encore marginale.
Toujours est-il que cela témoigne de l’attention portée à autrui dans une société où les urbains ne connaissent pas le propriétaire du paillasson d’en face. Loin des réseaux de professionnels, l’immobilier intergénérationnel se développe également doucement mais sûrement (lire page 6). Mélanger des jeunes actifs et des seniors autonomes n’est plus réservé à des associations. Dans nos colonnes, la ministre du Logement promet de « refléter des aspirations nouvelles de nos concitoyens pour plus de logements partagés et répondre au mieux aux besoins des personnes en situation de handicap ».
Des fonds se montent et vont permettre d’accélérer les rénovations et transformations et lancer le rebond.
Encore faut-il du foncier, alors même que la loi relative à la zéro artificialisation nette des sols (ZAN) visant à limiter puis à arrêter l’étalement urbain freine les porteurs de projets. L’heure est donc à la régénération urbaine, c’est-à-dire au travail sur les bâtiments existants pour reconstruire la ville sur elle-même. « Il nous faut renforcer la réversibilité qui doit devenir un standard », dit encore Valérie Létard. Cela tombe bien : le cabinet de conseil The Boson Project, en partenariat avec Bouygues Immobilier, vient de publier un guide en ce sens, que La Tribune Dimanche dévoile en exclusivité.
L’exemple du permis de construire multi-destinations pour la construction des bâtiments des Jeux olympiques et paralympiques, et surtout leur réversibilité, fait des émules. Aujourd’hui, la phase Héritage du Village des athlètes bat son plein (lire page 8). Dans le gouvernement Attal, déjà, le ministre du Logement d’alors, Guillaume Kasbarian, promettait de soutenir la proposition de loi du député (MoDem) de l’Ain, Romain Daubié, visant à faciliter la transformation des bureaux en logements, mais du fait de la dissolution, le texte attend son inscription à l’ordre du jour.
Sauf que « l’un des risques de cette crise est de désarmer les compétences de la fabrique de la ville alors que cette dernière va être beaucoup plus complexe à fabriquer demain. Ce sera en outre beaucoup plus intense capitalistiquement, car les acteurs en sortent fragilisés », souligne le président de l’Institut du financement des professionnels de l’immobilier (IFPIMM), Olivier Colonna d’Istria. Comme président du directoire de Socfim, il fait savoir que « dans le cadre de notre plan BPCE Vision 2030, nous allons donc mettre du capital au travail pour incuber du foncier, investir dans des friches et des quartiers en déshérence ». « Des fonds se montent et vont permettre d’accélérer les rénovations et transformations et lancer le rebond », assure-t-il ainsi.
À condition que le pouvoir politique local suive : « Il y a des m² de bureaux et de friches tertiaires à transformer. Au-delà des propriétaires de ces actifs, le sujet est aussi aux mains des collectivités. Il sera intéressant de voir comment les élus vont s’emparer de ces sujets. Peut-être y-aura-t-il un déclic positif au lendemain des élections municipales », espère Quentin Lamour du cabinet Adéquation.
Le logement en février 2025
+ 1 %
C’est la hausse des prix des logements sur les douze derniers mois.
La valeur au mètre carré reste stable à 5 350 euros du mètre carré depuis plus de deux ans.
82 000
Soit le nombre de logements disponibles
à la vente au 1er janvier 2025, compte tenu de la raréfaction de nouveaux programmes depuis plusieurs mois. Du jamais-vu depuis 2011 !
+2,4 %
C’est la progression des loyers à l’offre à l’échelle nationale en 2024, soit 13 euros par mètre carré en moyenne. Une hausse qui ne faiblit pas après une hausse identique en 2023.
1 300
Le nombre de logements vendus auprès d’investisseurs en janvier 2025, et ce malgré la fin de l’avantage fiscal dit Pinel au 31 décembre 2024
Source : Adéquation.
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