JEAN CLAUDE PIERDET/ Ina
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La réédition, en poche chez « J’ai lu », de l’intégrale des « Pardaillan », les dix romans d’aventures de Michel Zévaco, remet à l’honneur un des chefs-d’œuvre du feuilleton de cape et d’épée.
Dans l’ombre écrasante d’Alexandre Dumas ont prospéré un certain nombre de ses rivaux, puisant aux règles du jeu de cape et d’épée sans pour autant, soyons justes, toujours les transcender avec le même génie.
Ainsi, Paul Féval et son Bossu, Théophile Gautier et son Capitaine Fracasse, Rafael Sabatini et son Scaramouche, Amédée Achard et son Monsieur de la Guerche. Et Michel Zévaco et ses Pardaillan. Un peu plus tardif (1860-1918) que Dumas, ce feuilletoniste de génie, journaliste engagé et militant anarchiste plusieurs fois condamné à la prison, se consacra au roman populaire dès le début du XXe siècle et devint à la fois le confrère et le rival de Gaston Leroux au Matin.
Chevaleresque
C’est au Matin, d’ailleurs, qu’il publia la série des Pardaillan, laquelle fit les régals du jeune Jean-Paul Sartre, qui la vante dans Les mots. Honoré en 2002 par les trois volumes que lui consacra Francis Lacassin dans la collection Bouquins, il revient aujourd’hui chez J’ai lu, qui réédite les dix volumes originels d’ici à l’automne.
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Parfois lassant à force d’être chevaleresque, le héros y évolue de 1553 à 1614 sous le règne de Henri II et celui de Louis XIII, arpentant à grands pas la régence de Marie de Médicis. Dès le troisième volume apparaît celle qui sera sa Milady : la belle et diabolique Fausta, qu’il combattra avec la même ardeur qu’il l’aimera. Leur fils Jehan prendra d’ailleurs au huitième volume le relais de son père.
Enthousiasme
Archétypes ? Bien sûr. Zevaco, moins rebelle en littérature que dans la vie, soumet à sa plume les clichés du genre sans toujours beaucoup de distance. Les méchants sont veules et odieux, les héros sans taches, les femmes fatales carrément létales et les amours aussi absolus que ravageurs. Mais quelle fougue ! Quelle ardeur ! Avec la même simplicité d’âme que son héros ferraillant, il mène ses récits de main de maître et sa joie communicative à pousser ses pions sur l’échiquier d’intrigues échevelées fait tourner ces quelque cinq mille pages avec passion.
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Loin de se vouloir plus intelligent que son sujet, comme Dan Franck et Jean Vautrin avec la série des Boro ou Pérez-Reverte avec Le Capitaine Alatriste, Zévaco joue le jeu à fond. L’écriture y est parfois malmenée mais l’enthousiasme ne s’éteint jamais. Et, lues à l’aune des engagements de son auteur, certaines pages défendant tant la république que les femmes restent d’une actualité évidente.
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Les Pardaillan et L’épopée d’amour, de Michel Zévaco, J’ai lu, 960 et 763 p., 10 € le volume.
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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne