C’est au tour de l’Espagne d’investir dans sa défense. Le Premier ministre espagnol, Pedro Sánchez, a promis, ce mercredi, un plan national destiné à stimuler l’industrie de sécurité et de défense de son pays. « Le gouvernement (le) lancera avant l’été », a-t-il assuré lors d’une allocution au Parlement. Ce programme « concentrera le gros de l’investissement supplémentaire exigé par nos partenaires européens », a-t-il ajouté, sans fournir de détails à ce stade sur son contenu.
Il faut dire que l’Espagne a du retard en la matière. Selon les données de l’Otan, elle affiche les dépenses militaires les plus basses en pourcentage du PIB (produit intérieur brut) parmi les pays membres de cette alliance. Elle y a consacré 1,28 % de son PIB en 2024, alors que ce niveau devrait être au moins à 2 %.
À ce sujet, la Suède, dont le gouvernement a également annoncé, ce mecredi, vouloir augmenter le budget alloué à ce secteur, est déjà dans les clous puisque le pays scandinave y consacre actuellement 2,4 % de son PIB à sa défense.
Mais il ambitionne d’atteindre 3,5 % d’ici 2030. Et va pour cela accroître ses dépenses de défense à hauteur de 300 milliards de couronnes (environ 28 milliards d’euros) sur les dix prochaines années, comme l’a fait savoir le Premier ministre suédois Ulf Kristersson. Un investissement qui sera financé par des prêts et qui constitue le « plus important réarmement depuis la guerre froide », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse.
L’Espagne et la Suède rejoignent ainsi la liste des pays de l’Otan qui ont fait des annonces en ce sens ces dernières semaines. Tour d’horizon en huit articles de ces engagements.
✍800 milliards d’euros pour réarmer l’Europe
Les Européens ont donné ce mois de mars leur feu vert au plan « réarmer l’Europe », initié par la Commission européenne. Dans le contexte de la guerre menée par la Russie en Ukraine depuis plus de trois ans et du rapprochement opéré par le président américain Donald Trump entre les États-Unis et la Russie, il vise à renforcer les capacités de défense des Vingt-Sept. Concrètement, quelque 800 milliards d’euros doivent être mobilisés d’ici à 2030, dont 150 milliards sous forme de prêts. Ils serviront en priorité à investir dans les domaines où les besoins sont les plus urgents comme la défense antiaérienne, les missiles, les drones et les systèmes anti-drones ou encore les systèmes d’artillerie.
Si l’objectif est ambitieux, sa mise en œuvre repose sur l’engagement des États membres. Pour les inciter à augmenter leurs dépenses, Bruxelles a proposé de les autoriser à consacrer jusqu’à 1,5 % de leur PIB aux dépenses militaires pendant quatre ans, sans contrevenir aux règles budgétaires limitant les déficits publics. Chaque pays qui souhaite en profiter doit pour cela solliciter, d’ici fin avril, une exemption aux règles budgétaires en vigueur.
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✍La France mise sur le privé et l’épargne populaire
Du côté de l’Hexagone, les dépenses militaires devraient passer de 2 % actuellement à 3,5 % du PIB à horizon 2029. Or, le pays faisant face à des difficultés budgétaires et industrielles, le gouvernement n’entend par, pour autant, demander l’exemption aux règles budgétaires européennes. « Nous ne souhaitons pas que cet effort de guerre augmente la pression sur nos finances publiques. Ce qui veut dire concrètement que la France devra faire des choix pour financer cet effort de défense », a prévenu la semaine dernière le ministre de l’Économie, Éric Lombard.
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Selon Bercy, les entreprises de la base industrielle et technologique de la défense (BITD) devront mobiliser entre 5 et 7 milliards d’euros, dont 1 à 3 milliards d’euros de fonds propres dans les cinq prochaines années. Problème : les banques sont parfois frileuses pour financer ce secteur, pourtant hautement stratégique. Pour amorcer la pompe, les investisseurs publics vont mettre « 1,7 milliard d’euros sur la table », a annoncé Éric Lombard.
Le reste devrait venir des investisseurs privés et de l’épargne populaire. Dans cette optique, la banque publique d’investissement Bpifrance va lancer un nouveau fonds de capital investissement (aussi appelé private equity) de 450 millions d’euros. Chaque Français pourra y contribuer à partir de 500 euros à placer, sachant que les sommes allouées seront bloquées pour au moins cinq ans.
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✍Le « bazooka » budgétaire de l’Allemagne
Championne depuis des décennies de l’orthodoxie budgétaire, l’Allemagne a longtemps négligé les dépenses militaires au profit du parapluie américain qui la protégeait depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Un temps révolu : la semaine dernière, les parlementaires allemands du Bundestag ont voté en faveur d’un colossal plan d’investissement de 500 milliards d’euros dans les infrastructures. Ce dernier s’appuie largement sur la création d’une dérogation au frein à l’endettement, qui pourra s’appliquer à l’avenir également à de futurs investissements dans la défense.
Mais attention : « Pour la défense par exemple, l’argent ne fera pas tout », prévient Paul Maurice, chercheur à l’Institut Français des Relations Internationales (IFRI), dans une interview à La Tribune. « Il faudra que les Allemands sachent pourquoi ils investissent et avec quels objectifs stratégiques ».
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✍En Pologne, un objectif à 4 % du PIB : du jamais vu
Le président polonais Andrzej Duda a annoncé début mars avoir proposé un amendement visant à inscrire dans la Constitution de son pays le niveau minimum de dépenses dans la défense à hauteur de 4 % du PIB chaque année. Soit le double de ce que demande jusqu’à présent l’Otan.
Cet objectif s’explique par la situation géographique de la Pologne : le pays est le seul membre de l’Otan à partager une frontière à la fois avec la Russie et l’Ukraine.
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✍Branle-bas de combat aussi au Royaume-Uni
Le Premier ministre britannique Keir Starmer a pris les parlementaires de cours fin février. Dans un discours surprise devant la Chambre des communes, il a déclaré que son gouvernement porterait le budget de la défense à 2,5 % du PIB en 2027, contre 2,3 % actuellement. Une hausse des dépenses inédite « depuis la fin de la guerre froide », a-t-il précisé.
« Nous sommes dans un monde où tout a changé » depuis l’invasion russe de l’Ukraine en 2022. « La nature de la guerre a considérablement changé. C’est une évidence quand on regarde le champ de bataille en Ukraine, et nous devons donc nous moderniser et revoir nos capacités », a défendu le dirigeant britannique.
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Agathe Perrier