L’inquiétude est palpable au sein de l’Union patronale des transporteurs de la Côte d’Azur (UPR-CA). Mais l’esprit reste combatif. « Nous rejetons fermement toute pression fiscale supplémentaire. C’est une vraie ligne rouge. Nous serons extrêmement vigilants », assène Franck Cannata, son président. Dans sa ligne de mire, une écotaxe remaniée dont l’ancêtre avait provoqué, en 2014, la crise des bonnets rouges. Baptisée R-Pass, elle se décline désormais au régional à la faveur de sa réinstauration votée fin octobre 2024 par la collectivité européenne d’Alsace, regroupant les départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin. D’ici à 2027, une redevance de 0,15 € par kilomètre adressera les poids lourds de plus de 3,5 tonnes qui emprunteront l’A35 (gratuite) dans le but d’alléger et de rééquilibrer un trafic de transit qui a bondi depuis la mise en place d’une fiscalité onéreuse sur les routes allemandes.
Tache d’huile ?
Cette réponse à une spécificité régionale, qui rapporterait jusqu’à 64 millions d’euros par an, pourrait-elle faire tache d’huile ? « C’est une évidence, avance-t-on au sein du syndicat. Nous sommes convaincus qu’elle va se développer dans d’autres régions, en particulier les frontalières, et donc descendre progressivement depuis l’Alsace pour arriver à Nice. » D’où la volonté du l’organisation patronale qui couvre les Alpes-Maritimes et le Var d’agir « très en amont et de montrer notre désaccord » au président de la Région Sud qui en a l’appréciation, à l’instar du versement mobilité. Cet autre sujet de crispation, qui prévoit 0,15% de taxation sur la masse salariale des entreprises de plus de 11 employés, fera lui l’objet d’une rencontre le 19 mars avec le cabinet de Renaud Muselier. « On vient nous rajouter une couche supplémentaire, un impôt de production qui impacte la création de valeur alors que le transporteur et l’entreprise en général ne sont plus en mesure d’absorber de nouvelles taxes. »
Des indicateurs dans le rouge
Il faut dire que le secteur du transport routier de marchandises est à la peine. Tous les indicateurs sont au plus bas selon le dernier baromètre publié par la Fédération nationale des transports routiers (FNTR) : une activité en baisse constante depuis mi-2022, un emploi qui stagne malgré des besoins non-pourvus, des investissements très en-deçà de leur niveau moyen. « 63% des chefs d’entreprises sont insatisfaits au regard de la situation actuelle, 19% dans l’expectative, détaille Franck Cannata. Les défaillances d’entreprises ont augmenté de 30% en 2024, ce qui représente 1.939 transporteurs en moins. 70% des procédures collectives se terminent par une liquidation judiciaire. » Celles-ci ne se limitent plus aux entreprises de moins de 20 salariés, elles s’étendent aussi aux structures bien établies. « C’est nouveau et inquiétant. » En cause, notamment, une baisse de volume d’activité de 15% et, selon le Comité national routier, une inflation de 5,5% des coûts d’exploitation en 2024 sous l’effet combiné de la hausse des salaires, des coûts matériels et des péages.
Perspectives en grève
Quid de 2025 ? Si Franck Cannata se dit optimiste par nature, il admet toutefois « une situation extrêmement compliquée », que la grève perlée des ports maritimes français amorcée à l’automne 2023 aggrave. « Ces mouvements sociaux déstabilisent tous les écosystèmes proches des ports. Toute la chaîne d’approvisionnement est touchée, ce qui se traduit pour les transporteurs par une augmentation des coûts en moyenne de 23%. » Par ailleurs, le président de l’UPR-CA souligne la désertion parfois irréversible des clients, échaudés par le manque de fiabilité des opérations portuaires. « La dernière fois que cela est arrivé, au début des années 2000, nous avons mis près de 15 ans à retrouver une stabilité économique. C’est une problématique majeure et a priori durable, car on ne voit pas poindre de signes d’amélioration. » Peut-être l’appel paru ce 7 mars des fédérations professionnelles maritimes et logistiques à la mise en place immédiate d’une cellule interministérielle de coordination sera-t-il entendu, et permettra d’atténuer une situation qui « met en péril le dynamisme économique français ».