À l’heure où la question des déserts médicaux revient sur le devant de la scène avec le projet de loi transpartisan étude à l’Assemblée Nationale, le CHU de Clermont-Ferrand participe à la création d’un nouveau tiers-lieu, baptisé SantéAdom. Celui-ci s’est donné pour mission de faire émerger des innovations destinées à améliorer la prise en charge à domicile de patients atteints de maladies chroniques.
« En Auvergne, nous avons plus de personnes âgées, de maladies chroniques que dans le reste de la population française. Et certains territoires sont éloignés des centres d’expertise. Le numérique répond à ces enjeux, en permettant un suivi optimal des patients sans qu’ils aient besoin de se déplacer et en gommant les discriminations d’accès aux soins », souligne le professeur Anthony Buisson, président de la direction de la recherche clinique et de l’innovation au CHU de Clermont-Ferrand.
Aux côtés de l’Université Clermont-Auvergne, via Clermont Auvergne Innovation, et du Centich, le centre d’expertise dédié à l’innovation du groupe mutualiste Vyv 3 Pays de la Loire, le CHU de Clermont souhaitait agir sur la prise en charge des patients à domicile, et faire lien avec les innovations issues du monde du numérique.
« Nous accompagnerons les projets grâce à notre expertise en soins, en leur donnant accès à notre réseau pour qu’ils puissent bénéficier d’un terrain d’expérimentation plus large. Nous les guiderons ensuite sur la méthodologie pour leurs essais cliniques, des compétences que n’ont pas forcément ces entreprises du numérique », note le professeur Anthony Buisson.
Partenariat gagnant-gagnant
Alors que les terrains d’expérimentations restent rares dans la filière numérique en santé, SantéAdom se présente comme un véritable laboratoire d’innovation.
« L’essence même de ce tiers-lieu est de pouvoir confronter les technologies aux usages et besoins des patients. Nous sommes dans une dynamique de coconstruction. SantéAdom est un facilitateur expert pour que les étapes contraignantes, notamment en therme éthiques ou réglementaires, soient fluides », précise Jawad Hajjam, directeur du Centich.
Côté financements, il bénéficiera d’un budget global de 2,4 millions d’euros, dont un million d’euros de soutien de l’État au titre de l’appel à projets « Tiers-lieu d’expérimentation » en santé numérique issu du programme France 2030, et pour lequel l’État a déjà fléché une enveloppe de 63 millions d’euros (répartie sur 35 tiers-lieux et une centaine de projets d’expérimentations). Une enveloppe de 455 000 euros est également apportée par le Caisse des dépôts.
Projet autour de l’insuffisance cardiaque
Parmi les deux premiers projets soutenus par SantéAdom, l’un porte sur les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, avec le développement de solutions numériques par l’entreprise GutyCare. La technologie doit permettre d’améliorer le suivi des malades en limitant le nombre de visites à l’hôpital tout en conservant une prise en charge optimale. Les études vont commencer avant l’été auprès de 116 patients.
L’autre projet concerne la prise en charge de l’insuffisance cardiaque, qui touche aujourd’hui 1,5 million de Français et notamment les plus de 60 ans – l’Assurance maladie estime même que ce chiffre pourrait croître de 25 % tous les 4 ans. Ainsi, l’entreprise CareLine Solutions SAS, lancée en 2018 par des cardiologues spécialisés en télésurveillance, propose une plateforme numérique de prise en charge à distance de cette pathologie. Un moyen de répondre à l’accès encore insuffisant aux consultations spécialisées et aux traitements de première intention.
Au total, une quinzaine de CHU et 45 centres médicaux suivent déjà leurs patients à domicile grâce à des objets connectés, ce qui permet de détecter les signes précurseurs d’épisodes d’aggravation qui caractérisent la maladie. Au lieu d’hospitaliser le patient, l’équipe médicale réalise une prise en charge à domicile de ces épisodes. Soutenue par SantéAdom, l’entreprise ambitionne de multiplier par 10 le nombre de malades pris en charge grâce à l’IA.
« Notre technologie permet de suivre des milliers de patients en France mais les besoins sont énormes. Le déploiement à large échelle est une priorité de l’Assurance maladie. Cela permettrait de répondre en partie à la problématique des déserts médicaux et aux difficultés d’accès aux soins », détaille Thierry Poux, directeur opérationnel chez CareLine.
Trois à quatre autres projets pourraient être lancés, cette année, dans le cadre de SantéAdom autour des douleurs chroniques, des maladies articulaires chroniques ou de la santé mentale. Avec toujours le même objectif : améliorer la prise en charge, mais aussi la qualité de vie des malades.
