Vent de panique au Japon depuis que le président américain Donald Trump a annoncé mercredi étendre sa guerre commerciale au secteur automobile. Dès le 2 avril, 25 % de droits de douane supplémentaires seront appliqués sur les voitures importées aux États-Unis — et des pièces automobiles seront également touchées dans le courant du mois.
Si la péninsule nipponne tremble, c’est parce qu’elle va être pleinement touchée par cette mesure. L’année dernière, l’automobile a représenté 28 % de ses exportations vers les États-Unis, soit 1,35 million de véhicules pour 40 milliards de dollars (37,1 milliards d’euros).
Des taxes plus élevées risquent d’entraîner ces chiffres à la baisse. Or, autour de 2 % du produit intérieur brut (PIB) japonais dépendent des exportations de biens vers les États-Unis. Et l’industrie automobile est un pilier essentiel de l’économie japonaise, où environ 10 % des emplois sont liés au secteur.
Impact attendu sur la croissance
Si bien qu’il n’en fait aucun doute : les droits de douane américains sur l’automobile devraient « entraîner une baisse de 0,2 % du PIB japonais », estime ce jeudi Takahide Kiuchi, économiste de Nomura. Car une baisse de la production de voitures aura un impact amplifié sur les pièces détachées, les matériaux et d’autres secteurs, explique-t-il.
Le scénario pourrait même être pire. « Si l’on considère toutes les répercussions possibles en amont et en aval, cette réduction du PIB pourrait même atteindre 0,52 % », indique Kenichiro Ahara, économiste du Dai-ichi Life Research Institute.
Ce dernier expert reconnaît que « ces chiffres peuvent paraître faibles » de prime abord. Mais, comme il le rappelle, « la croissance du PIB est aussi très faible » au Japon. Elle n’a été que de +0,1 % en 2024, après +1,5 % l’année précédente. Le gouvernement nippon, qui a approuvé mi-décembre un plan de relance équivalant à 136 milliards d’euros pour relancer la consommation et donc son économie, n’avait donc clairement pas besoin de ce coup de massue supplémentaire.
Le pays a réagi à cette annonce en la qualifiant d’« extrêmement regrettable ». « Toutes les options sont sur la table » désormais, a ajouté le porte-parole du gouvernement, Yoshimasa Hayashi. Le Premier ministre japonais Shigeru Ishiba a de son côté promis des mesures de rétorsion « appropriées » envers les États-Unis, sans plus de précisions pour le moment.
Les constructeurs japonais en première ligne
Les États-Unis sont un marché crucial pour les constructeurs japonais. À titre d’exemple, Toyota, numéro un mondial, y a écoulé l’an dernier 2,33 millions de véhicules, soit 23 % de ses ventes mondiales. Et à peine plus de la moitié (1,27 million, soit 54,5 %) a été produite sur le sol américain.
Un chiffre qui pourrait être augmenté afin de réduire l’impact de la hausse des taxes douanières. D’autant plus que les capacités de production des constructeurs nippons dans leurs usines américaines ne tournent actuellement pas à plein régime, « ce qui offre des marges pour accroître leur production localement », souligne Marcel Thieliant, du cabinet Capital Economics. Reste que « des complications supplémentaires pourraient survenir, si le coût des pièces traversant plusieurs fois les frontières explose en raison des droits de douane », prévient-il.
À court terme, les effets de la mesure pourraient être amoindris car les constructeurs japonais pourront écouler leurs stocks surabondants entreposés aux États-Unis. Et, dans la mesure où les modèles japonais populaires exportés outre-Atlantique « sont généralement à haute valeur ajoutée [comme les hybrides], même si leurs prix augmentent, il est possible que la demande ne diminue pas si fortement », tempère Kenichiro Ahara.
À long terme, les marges de manœuvre des constructions japonais ne sont toutefois pas multiples : « Augmenter leurs prix, réduire les coûts, délocaliser leur production », liste Seiji Sugiura, du Tokai Tokyo Intelligence Laboratory. Selon lui, les droits de douane supplémentaires pourraient coûter 11,4 milliards de dollars cumulés pour les six géants nippons exportant aux Etats-Unis (Toyota, Nissan, Mitsubishi, Honda, Mazda, Subaru).
En Bourse, aucun constructeur épargné
Avant même son application, la mesure a néanmoins déjà des conséquences pour les constructeurs japonais. Leurs titres ont plongé dès l’ouverture de la Bourse de Tokyo ce jeudi, perdant plus de 3 %. À la clôture, Toyota affichait un recul de -2,04 %, Mitsubishi -3,20 %, Honda -2,47 % et Nissan -1,67 %. La mesure « entraînera inévitablement une baisse des bénéfices des constructeurs automobiles japonais, maintenant la pression sur leurs titres », indiquent les analystes de Tokai Tokyo Intelligence.
Et ce ne sont pas les seuls à avoir été impactés. L’annonce de Donald Trump a aussi fait baisser les titres des constructeurs automobiles à Wall Street. General Motors est ainsi tombé de -3,12 %, Tesla de -5,58 %. Seul Ford a terminé en légère hausse, de +0,10 %, après un passage dans le rouge. Fort recul aussi sur les places européennes : -4,41 % pour BMW, -5,38 % pour Mercedes, -4,76 % pour Porsche, -3,65 % pour Volkswagen à Francfort et -5,16 % pour Stellantis à Paris. Et la journée n’est pas encore terminée.
La Corée du Sud aussi dans la tourmente
L’enjeu de l’augmentation des droits de douane sur l’automobile est aussi crucial pour la Corée du Sud. Sur l’ensemble des exportations sud-coréennes vers les États-Unis, le secteur automobile représente plus d’un quart (27 %).
Plus globalement, les États-Unis sont le deuxième partenaire commercial de la Corée du Sud, derrière la Chine, avec plus de 130 milliards de produits exportés. Ils absorbent la moitié de ses exportations mondiales de voitures : sur les 2,78 millions de véhicules exportées l’an dernier dans le monde, environ 1,43 million ont été envoyées outre-Atlantique, pour un montant de 35 milliards de dollars (32,5 milliards d’euros).
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Agathe Perrier