C’est la gueule de bois pour les producteurs de spiritueux européens après l’annonce de Bruxelles de taxer fortement les alcools américains, notamment le bourbon et les vins californiens, dès le 1ᵉʳ avril.
Spirits Europe, le lobby européen de la filière, s’est dit « profondément déçu » et « extrêmement préoccupé » par cette décision, dénonçant des taxes imposées « dans le cadre d’une guerre sur l’acier et l’aluminium sans aucun lien avec notre secteur ».
« S’ils sont appliqués dès le 1ᵉʳ avril, ces droits auront un impact terriblement dommageable sur les entreprises européennes produisant des spiritueux américains, sur les sociétés américaines fortement investies en Europe et sur toute la chaîne de valeur. Ils mettront en péril de nombreux emplois, y compris en zones agricoles», prévient l’organisation dans un communiqué.
Un secteur déjà fragilisé par des mesures de rétorsion chinoises
« Les secteurs américain et européen des spiritueux restent unis dans leur engagement à maintenir un commerce transatlantique libre de droits », a déclaré Pauline Bastidon, directrice chargée du commerce pour Spirits Europe. Un accord commercial de 1997 avait supprimé ces taxes, permettant une envolée des échanges de 450 % jusqu’en 2018, avant que l’administration Trump ne déclenche sa première guerre commerciale.
La Fédération française des exportateurs de vins et spiritueux (FEVS) a, de son côté, demandé aux autorités françaises d‘« intervenir en urgence » auprès de Bruxelles pour qu’elle « ajuste » la liste des produits visés par les contre-mesures sur l’acier et l’aluminium, en retirant les vins et spiritueux américains. La FEVS exhorte ainsi l’UE et les États-Unis à « privilégier le dialogue bilatéral » pour préserver une relation commerciale essentielle. Les États-Unis représentent en effet le premier marché d’exportation pour les vins et spiritueux français. En 2024, les ventes françaises y ont progressé de 5 %, atteignant 3,8 milliards d’euros, notamment grâce au cognac et aux vins.
Déjà fragilisé en 2024 par l’enquête anti-dumping chinoise visant les eaux-de-vie de vin européennes – dont le cognac et l’armagnac -, le secteur doit faire face à une baisse de 25 % des exportations vers la zone Chine/Hong Kong/Singapour. « Cette annonce de Bruxelles, note Spirits Europe, intervient à un moment particulièrement difficile pour les spiritueux, dans un contexte de tensions géopolitiques et de ralentissement sur de nombreux marchés clés ».
Bruxelles a enclenché une riposte graduée contre Washington
Au 1ᵉʳ avril, les contre-mesures européennes mises en place en 2018 et 2020 en réponse aux droits de douane américains du premier mandat de Donald Trump seront automatiquement rétablies, leur suspension arrivant à expiration au 31 mars. Mais les nouveaux droits de douane américains entrés en vigueur mercredi vont bien au-delà de ceux imposés par Trump à l’époque. En réaction, la Commission européenne a lancé le 12 mars une procédure pour adopter des contre-mesures supplémentaires afin d’égaliser l’impact des mesures américaines. La première étape consiste en une phase de consultation de deux semaines avec les parties prenantes de l’UE, afin d’assurer que « les bons produits » seront ciblés, tout en minimisant les perturbations pour les entreprises et consommateurs européens. Ces nouvelles mesures devraient entrer en vigueur mi-avril.
(Avec AFP)
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