Des McDonald’s déserts, les canettes de coca-cola qui s’empilent dans les rayons de supermarchés, des téléspectateurs qui privilégient la télévision à Netflix et des lecteurs qui vont en librairies plutôt que de passer commande sur Amazon. Ce n’est pas un scénario de décroissance, mais celui d’un boycott des produits américains. Une méthode de protestation qui prend de l’ampleur au Canada et en Europe du Nord, alors que Donald Trump se lance dans un conflit commercial avec le monde entier.
Depuis son retour au pouvoir, le président des États-Unis a annoncé une nouvelle salve de droits de douane ciblant les importations américaines depuis le Mexique et le Canada. Il ne compte pas s’arrêter là et les mêmes tarifs douaniers devraient s’appliquer sur l’Union européenne.
Un mouvement qui prend de l’ampleur
Au Canada, les appels à boycotter les produits américains se sont multipliés ces dernières semaines, relayés par des associations de consommateurs et amplifiés sur les réseaux sociaux avec le #BoycottUSA. Le secteur touristique est l’un des premiers touchés par ce rejet. Plusieurs groupes d’influence et acteurs économiques locaux estiment que ce boycott pourrait représenter un manque à gagner de plus de 2 milliards de dollars pour l’économie touristique américaine. En effet, les Canadiens, habitués à passer leurs vacances aux États-Unis, revoient déjà leurs plans de voyage, préférant des destinations locales ou européennes.
En Europe, la dynamique de rejet prend également de l’ampleur. À commencer par la Scandinavie, où les mobilisations éthiques et environnementales rencontrent déjà un fort écho. Le rejet des produits américains semble donc s’inscrire dans une tendance plus large de consommation responsable. Plusieurs enseignes danoises et suédoises ont commencé à revoir leurs approvisionnements, limitant volontairement la part de produits made in USA dans leurs rayons. Certaines marques comme Tesla — dont le patron Elon Musk est membre de l’administration Trump —font déjà les frais du mouvement. L’entreprise de véhicules électriques a vu ses ventes baisser de 76,3 % en Allemagne sur un an.
« Je pense qu'[Elon Musk] va avoir un effet préjudiciable de long terme sur la marque », anticipe l’expert en marketing, Daniel Binns, directeur général d’Elmwood Brand Consultancy.
Tesla paie les positions de son patron tout en étant engloutie par la baisse généralisée des ventes en Europe.
En France, les initiatives de boycott se multiplient également, portées par des collectifs citoyens qui appellent à ne plus acheter de produits issus de multinationales américaines. Pour le moment, il reste difficile d’apercevoir des conséquences économiques directes du mouvement mais l’application de tarifs douaniers sur l’Union européenne pourrait dynamiser encore la lutte.
Un impact économique tangible ?
Si la portée réelle de ce boycott reste difficile à mesurer, plusieurs indicateurs économiques laissent entrevoir des conséquences non négligeables. Suffisant pour faire reculer Donald Trump ? Pas pour le moment… Le boycott, en tant que stratégie de contestation, est loin d’être une méthode nouvelle. Dans sa thèse de référence, Le boycott : analyse conceptuelle et modélisation, Marinette Amirault-Thébault décrit ce type de mobilisation comme un instrument hybride, oscillant entre pression économique et action politique. La réussite d’un boycott repose en grande partie sur trois facteurs-clés : la mobilisation des consommateurs, la disponibilité d’alternatives crédibles et la durée de l’action.
Dans le cas présent, la mobilisation semble réelle, mais sa pérennité reste incertaine. Si la colère suscitée par les droits de douane alimente une dynamique de rejet, les habitudes de consommation de certains produits américains sont profondément ancrées et pourraient freiner cet élan. La dépendance à certaines marques et la complexité des chaînes de production mondialisées brouillent également les frontières entre produit américain et produit global. Ainsi certains produits de marques américaines — susceptibles d’être boycottés — sont fabriqués… en France.
Pour autant, l’impact symbolique de cette mobilisation pourrait s’avérer durable. Même si les ventes de certaines entreprises américaines ne s’effondrent pas immédiatement, l’image de marques emblématiques pourrait souffrir durablement de cette fronde. D’autant plus dans un contexte où l’éthique et la responsabilité sociale des entreprises jouent un rôle croissant dans les décisions d’achat.
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Julien Gouesmat