Kylian Mbappé a rejoint ces derniers jours les actionnaires de l’équipe de France SailGP. Au delà du seul intérêt sportif, cet investissement confirme les engagements sociétaux, économiques et écologiques du capitaine des Bleus, plus loin qu’un simple terrain de football. RMC Sport décrypte les enjeux qui se cachent derrière ce nouvel épisode de l’homme d’affaires Mbappé.
Du char à voile à la voile… Si Kylian Mbappé s’était retrouvé dans une polémique en septembre 2022 quand lui et Christophe Galtier avaient pris à la légère une question sur l’impact écologique des déplacements du PSG. Mais un peu moins de trois ans plus tard, l’attaquant désormais au Real Madrid a pris un engagement fort en signant un investissement majeur dans l’équipe de France SailGP, engagée en Impact League un circuit de régates internationales à bord de catamarans ultramodernes.
Une prise de position forte du capitaine des Bleus et officialisée quelques jours seulement avant les quarts de finale de Ligue des nations contre la Croatie. Sur le papier, difficile de voir le lien entre le footballeur Kylian Mbappé et la franchise de voile. Les raisons en sont pourtant multiples et pas uniquement par passion du sport.
Mbappé séduit par l’engagement social de SailGP
Interrogé par RMC Sport dans la foulée de l’annonce du partenariat entre K-Challenge et Coalition Capital (la structure financière du clan Mbappé), le skipper Quentin Delapierre révélait avoir principalement échangé avec Fayza Lamari, la maman de l’attaquant de 26 ans, pour lui expliquer le fonctionnement de SailGP, cette compétition où l’équipe de France luttera à la fois sur les mers et à la fois à terre avec le développement de projets responsables sociétaux et environnementaux. Le circuit SailGP fonctionnant sur le système de franchises autonomes sur le plan financier, les dirigeants de l’équipe de France se sont mis en quête de partenaires. Et derrière ce partenariat avec Kylian Mbappé, la patte d’un autre sponsor: le groupe Accor.
“Accor a parlé de notre équipe, une équipe sportive qui souhaitait devenir indépendante”, explique à RMC Sport Stephan Kandler, l’un des deux co-CEO de K-Challenge (avec Bruno Dubois) qui gère cette équipe de France SailGP. “À partir de là, le groupe Accor nous a mis en relation et a été fortement impliqué dans la réussite de ce partenariat. Un partenariat qui a un volet d’investissement dans l’équipe, dans la franchise et en fait un projet avec l’association Inspired by KM.”
Avant de préciser que cet engagement pour l’association et l’aspect durable de l’Impact League ont achevé le clan Mbappé de valider “un investissement qui a du sens” et pas seulement une portée commerciale. Via l’implication de sa fondation, le capitaine des Bleus confirme cette volonté de s‘impliquer non-seulement économiquement mais aussi socialement.
“C’était du sport, mais c’était un moyen de faire la promotion de son association. Ça a toujours été dans la discussion dès le départ qu’il fallait qu’il y ait les deux.”
Un investissement impliqué en faveur de l’écologie
Kylian Mbappé continue donc sa logique d’extension de sa fondation Inspired by KM avec ce partenariat. Mais pas que… S’il s’était retrouvé dans la tourmente au moment de la polémique du char à voile, le buteur de l’équipe de France de football prend cette fois le virage écologique à fond. En rejoignant SailGP et ses catamarans volants, ‘Kyks’ rejoint l’Impact League, l’autre facette essentielle de cette compétition de voile. En plus de l’aspect sportif, les franchises s’engagent ainsi à soutenir et à mener concrètement des projets responsables sociétaux et environnementaux.
Surtout, malgré le circuit autour du monde, l’ambition des organisateurs reste de limiter au maximum l’impact sur chaque évènement avec des déplacements réduits, moins d’énergie dépensée sur les bases ou de vrais efforts dans la gestion de déchets.
“Il y a une vraie révolution qui est en cours et on porte des valeurs qui sont dans l’air du temps”, insiste également Stephan Kandler. “On est un sport high-tech, beaucoup plus qu’il y a 20 ou 30 ans. Il y a des notions d’inclusion, de développement durable, d’excellence aussi.”
Une confirmation des positionnements sport et premium de Mbappé
A l’image de Sebastian Vettel, partenaire de l’équipe allemande de SailGP, ou de Lindsay Vonn qui s’est impliquée auprès d’une franchise américaine, Kylian Mbappé a investi dans un domaine qu’il connait: le sport. L’attaquant du Real Madrid continue ainsi son investissement dans le business du sport et du divertissement après celui à Caen en Ligue 2.
“Il y a pas mal de sportifs qui sont co-actionnaires dans l’équipe américaine. Donc on constate quand même qu’il y a une montée en puissance des investissements des sportifs en général dans le monde sportif parce qu’évidemment c’est aussi des choses qu’ils connaissent bien”, sourit encore Stephan Kandler. “Je veux dire que d’investir dans des sociétés industrielles ou autres, on n’a pas forcément la même visibilité.”
Le sport mais pas n’importe lequel. Et c’est là où ce nouveau partenariat de Kylian Mbappé détonne par rapport à celui à Caen. Le buteur a misé dans la voile, une discipline souvent jugée élitiste mais qui tend à se démocratiser.
“On est sur un positionnement aussi qui vient renforcer, là encore, la stratégie d’investissement de Kylian Mbappé, qui est un positionnement premium avec des marques premium”, note Jean-Baptiste Guégan. “Donc c’est un positionnement qui correspond à une stratégie d’associer sa marque à d’autres marques fortes et qui justement répond à cette volonté de Kylian Mbappé d’être plus qu’une marque de football, mais être une marque globale avec un positionnement haut de gamme et avec des vrais partis pris. […] La voile, ça correspond aussi à un autre domaine. C’est que ça lui permet de cocher la case des valeurs et du sport de très haut niveau. Si on prend SailGP, on est sur l’équivalent de la Formule 1 des mers.”
Et le co-auteur d’un ouvrage où il a décrypté le phénomène Kylian Mbappé au-delà du sportif de continuer: “En gros, en termes de valeur pour la marque Mbappé, c’est un positionnement parfait. Ça montre aussi l’intelligence du jeune homme et la capacité de certains des acteurs qui le conseillent à cibler les bons partenaires.”
Un projet gagnant-gagnant qui espère “être rentable dès cette année”
Malgré sa volonté d’aider les autres via sa fondation et les valeurs écologique de cette équipe de France de voile, Kylian Mbappé reste aussi un homme d’affaires avisé. Un peu à l’image du rachat de Caen en Ligue 2, il est prêt à sortir le chéquier si un investissement lui semble viable. Certes, les débuts au Stade Malherbe ne sont parfaits, mais le Français pourrait bien se rattraper avec son arrivée auprès de l’équipe de France SailGP.
Là encore, c’est un engagement sur le moyen et long terme. Surtout, d’un point de vue économique, c’est un investissement qui pourrait rapporter gros… après avoir misé gros. “On ne parle pas de centaines de milliers d’euros”, confirme Stephan Kandler.
En clair, le ticket d’entrée pour un tel partenariat se rapproche plutôt de dizaines de millions d’euros. Peu en comparaison du potentiel réel de ce placement “dans un sport en devenir et un modèle économique très calqué sur le modèle américain”. Concrètement, au-delà du sportif et de la compétition, l’ambition est aussi de gagner de l’argent.
“Et notre ambition c’est d’être rentable dès cette année, dès la première saison. Donc ça c’était déjà dans les objectifs qu’on s’était fixés, et grâce au groupe Accor qui a été le premier à nous soutenir dans cette quête, tout se rejoint, si vous voulez”, détaille ensuite Stephan Kandler. “Donc oui, notre ambition, c’est de gagner France SailGP, parce que pour nous, c’est aussi important que de gagner l’America’s Cup ou d’autres trophées internationaux. Et deuxièmement, d’être une entreprise rentable, parce que c’est le modèle économique qui manquait sans doute à la voile.”
“Être rentable cette année et on l’espère garder nos actionnaires le plus longtemps possible et augmenter comme toute entreprise, dégager du bénéfice, offrir du rendement à nos actionnaires dans un sport qui est en devenir.”
Et le patron de la sport-tech de préciser sur cet aspect économique: “Le but quand on a des investisseurs, c’est de leur offrir des retours sur l’investissement. Nous, les recettes viennent du merchandising, du sponsoring et sur un modèle économique qui a été validé par les investisseurs. On va continuer de le faire.” Et de ce point de vue-là, la présence de Kylian Mbappé et de sa notoriété constitue déjà un plus pour montrer l’attractivité du projet.
Kylian Mbappé, lui continue d’apprendre à vivre dans ce monde des affaires mais garde un vrai côté un “vrai côté précurseur” parmi les sportifs tricolores.
“En France, on ne l’a jamais vu, en tout cas à ce niveau-là d’abord, de richesse mobilisée. Et puis surtout dans la diversification, c’est extrêmement cohérent”, salue Jean-Baptiste Guégan. “Maintenant, il a objectivement plus de chances de réussir avec SailGP qu’avec Caen. […] Maintenant, on verra, il y a d’autres opportunités, investir dans le sport au féminin, investir dans le basket. Il y a une équipe, le Paris, qui pourrait être intéressée, qui pourrait être intéressante.” Avec à l’arrivée, potentiellement de devenir le footballeur français le plus habile en matière d’investissement depuis Matthieu Flamini et son après-carrière de milliardaire de la biotech.
L’expression du sentiment patriotique de Mbappé?
Le dernier enjeu majeur de ce partenariat entre la franchise tricolore de SailGP et Kylian Mbappé reste lié tout simplement à ce rapport à la France. L’attaquant de 26 ans n’a pas choisi n’importe quelle équipe du circuit mondial de voile, il a opté pour l’équipe de France. Lui qui se retrouve si souvent critiqué pour un supposé manque d’engagement pour son pays, notamment pendant les trêves de septembre et novembre passées loin des Bleus, prend ici un engagement assez clair.
“Je ne vais pas répondre pour lui, évidemment. Il n’y a aucun d’autre qui l’aime la France, il le dit assez souvent”, tranche rapidement Stephan Kandler. […] Je pense que ce qu’on est en train de construire, c’est une ambition française générale autour de laquelle on essaie de rassembler aussi des grandes marques françaises économiques. On l’a fait avec K-Way, avec L’Oréal, Accor… Tout ça ce sont un peu des légendes et évidemment que le fait que ce soit français a contribué à ça. Et maintenant, comme je dis toujours, je ne veux pas m’exprimer et parler à la place des gens. Mais oui, bien sûr que ça a eu, j’imagine, un rôle dans la décision. Mais ce n’était pas le sujet principal de notre partenariat.”
“Quand je dis ça, c’est qu’il aurait pu investir ailleurs et évidemment il ne l’a pas fait. Il ne serait pas allé avec l’équipe d’Allemagne ou avec celle des Etats-Unis. Ce n’est pas par intérêt économique, si je peux dire ça comme ça.”
Jean-Baptiste Guégan se montre un peu plus prolixe sur cette ambition française de Kylian Mbappé. A ses yeux, c’est même un signal fort auprès du public tricolore.
“Investir dans une équipe de France, quand on est capitaine de l’équipe de France, c’est un signal qui est d’abord destiné aux Français, dans un contexte où il a reculé dans les classements”, analyse celui qui a consacré un livre à la révolution Mbappé. “Effectivement il a entaché son image ces dernières années, que ce soit sur la dernière année au Paris Saint-Germain, sur l’après Coupe du monde 2022, son transfert au Real, des déclarations ambiguës vis-à-vis de l’équipe de France, son interview à Clique après son escapade suédoise. Donc il y avait besoin de renouer. Là, évidemment, quand c’est le capitaine des Bleus et de l’équipe de France qui vient soutenir une équipe de France de voile, il y a aussi cette part d’abord… de communication, mais il n’y a pas que ça. C’est aussi un investissement rationnel et réfléchi dans un actif potentiellement en pleine croissance.”