La Commission européenne a annoncé qu’elle appliquerait des mesures de rétorsion contre les droits de douane imposés par Donald Trump quelques heures après leur entrée en vigueur, ce mercredi matin. Dans un communiqué, elle a déclaré que ses mesures concerneraient jusqu’à 26 milliards d’euros de produits américains, ce qui correspond à la portée des droits de douane américains sur les exportations européennes, et qu’elles prendraient effet à partir du 1er avril, ce qui laisse un mois et demi pour négocier avec Washington.
« L’Union européenne doit agir pour protéger les consommateurs et les entreprises », a ajouté la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, dans un communiqué, tout en précisant que « les droits de douane sont des taxes. Elles sont mauvaises pour les affaires et encore pires pour les consommateurs ».
Les droits de douane de 25 % sur l’acier et l’aluminium voulus par le président des Etats-Unis sont, en effet, devenus effectifs mercredi à 5 heures du matin, heure de Paris, marquant une nouvelle étape dans la guerre commerciale. Le président américain avait déjà taxé les importations d’acier et d’aluminium durant son premier mandat (2017-2021) mais cette nouvelle taxe se veut « sans exception et sans exemption » selon ses propres mots.
Les responsables américains présentent cette mesure comme une réponse aux « acteurs étrangers » qui, selon eux, sont responsables de « l’explosion des exportations » de métaux vers l’Amérique, ce qui nuit aux producteurs nationaux. M. Trump a également étendu les droits de douane sur les métaux à un large éventail de produits contenant de l’acier et de l’aluminium, comme des vélos ou des meubles.
Les États-Unis importent environ la moitié de l’acier et de l’aluminium utilisés dans le pays, pour des secteurs aussi variés que l’automobile ou l’aviation, la pétrochimie ou les produits de consommation de base, telles les conserves.
« Les deux industries les plus consommatrices d’acier aux États-Unis sont le secteur automobile et la construction, qu’il s’agisse de bâtiments résidentiels ou commerciaux », a souligné Clarke Packard, chercheur au Cato Institute.
Parmi les principaux pays touchés : le Canada, la Chine, l’Union européenne, le Japon ou encore l’Australie. Le but affiché de Donald Trump est de protéger l’industrie sidérurgique américaine, qui voit sa production baisser d’année en année, confrontée à une concurrence de plus en plus vigoureuse, provenant notamment d’Asie.
Retour en arrière sur le Canada
Le président américain a également menacé brièvement mardi le Canada. Mardi, il a soufflé le chaud et le froid en menaçant de doubler, à 50 %, les droits de douane prévus sur l’acier et l’aluminium canadiens, puis en y renonçant quelques heures plus tard. Une volte-face due au retrait par la province canadienne de l’Ontario de sa surtaxe sur les exportations d’électricité vers trois États américains.
Le président américain a ainsi souhaité, à sa manière, la bienvenue au futur Premier ministre canadien Mark Carney, sur le point de prendre les rênes du pays, en martelant son souhait de faire du voisin du nord un État américain.
Droits de douane en tout genre
Depuis le début de son mandat, Donald Trump a fait un usage extensif des droits de douane, les utilisant à la fois comme outil de négociations avec les partenaires commerciaux des États-Unis, incitation à l’implantation d’entreprises dans le pays et source de revenus pour les finances fédérales. Il a tout d’abord visé le Canada, le Mexique, de 25 %, et la Chine, de 10 % avant de porter le taux à 20 %, accusant les trois pays de ne pas agir suffisamment pour lutter contre le trafic de fentanyl, un puissant opioïde cause d’une grave crise sanitaire dans le pays.
Mais les produits canadiens et mexicains importés aux États-Unis et respectant le cahier des charges de l’accord de libre-échange Canada-Etats-Unis-Mexique (ACEUM) ont finalement été exemptés jeudi, épargnant de fait une large part des importations. Les droits de douane visant les produits chinois ont en revanche été maintenus et ont poussé Pékin à annoncer des représailles, visant en particulier des produits agricoles provenant d’États américains ayant largement voté en faveur de Donald Trump en novembre dernier.
D’autres matières premières, tels que le bois de construction ou les produits laitiers canadiens, ont été menacées et Donald Trump a régulièrement répété, depuis le 20 janvier, son intention d’imposer des droits de douane aux importations européennes.
Le Japon et l’Australie en pleines négociations
Certains pays ont tenté de convaincre le président américain de les exempter, à l’image du Japon, dont le ministre de l’Économie, Yoji Muto, a fait le déplacement à Washington pour discuter du sujet avec ses homologues américains, mais sans grand succès de son propre aveu. L’Australie a également entamé des négociations avec Washington, le président américain assurant « accorder une très grande importance » à la requête de Canberra, principalement du fait de l’excédent commercial des États-Unis dans leurs échanges bilatéraux.
Cette frénésie d’annonce de nouvelles taxes à l’importation pèse de plus en plus sur les marchés: Wall Street a ainsi effacé lors des dernières la quasi-totalité des gains réalisés depuis l’élection de Donald Trump, sur fond de crainte de récession aux États-Unis.
Avec également un risque sur l’inflation, comme le rappelle Clarke Packard qui juge qu’il « ne serait pas étonnant que les droits de douane se voient rapidement sur les prix », ajoutant que ces annonces multiples ne faisaient que « créer une énorme incertitude » sur la trajectoire de l’économie américaine.
(Avec agences)
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