“Érasme : Grandeur et décadence d’une idée” : bien avant Trump, le conflit de l’internationaliste face à Luther

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“Érasme : Grandeur et décadence d’une idée” : bien avant Trump, le conflit de l’internationaliste face à Luther





















Stefan Zweig, en 1925. Pour l’écrivain autrichien, les biographies permettaient d’éclairer le présent à la lueur du passé. Érasme l’intéressa en tant qu’humaniste proche de ses propres idées.
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Dans sa biographie d’Érasme, Stefan Zweig met en lumière la fracture civilisationnelle opposant l’idéal humaniste, pacifique et cosmopolite d’Érasme à l’intransigeance fervente et nationaliste de Luther. Un affrontement d’hier qui trouve un écho saisissant dans les clivages contemporains, entre une Europe portée par une vision universaliste et le repli souverainiste incarné par le nationalisme solitaire de Donald Trump.

Deux grandes visions civilisationnelles s’affrontent aujourd’hui : celle d’une Europe portée par l’idéal internationaliste et celle d’un nationalisme faisant cavalier seul, incarné notamment par Donald Trump. Cet affrontement rappelle une lutte non moins virulente, celle qui a opposé Érasme (v. 1469-1536) et Luther (1483- 1546), et que Stefan Zweig retrace dans sa biographie du premier.

Guerre de tranchées

Ce savant professeur hollandais veut relire les textes dans leur langue d’origine et traduit la Bible en latin, qu’il dédie au pape Léon X. Cosmopolite d’existence et internationaliste de réputation, le « prince des humanistes » rêve d’une Europe unie qui deviendrait le terreau du génie scientifique et artistique, et dont la Renaissance est le ferment le plus éclatant. Pour lui « le monde entier est notre patrie à tous ». C’est pourtant cette volonté de défendre l’idée d’une Europe de l’esprit et des idées nouvelles, celle des « idéalistes de cabinet » ambitionnant d’instruire le peuple, qui va s’effondrer sous les coups de boutoir du fanatisme religieux qui ravagera l’Europe pendant près de quarante ans.

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C’est Luther qui porte l’estocade, en 1517, à l’Église catholique romaine en placardant ses « 95 thèses ». Avec lui, « la Réforme vient briser de son marteau de fer la dernière forme d’unité spirituelle de l’Europe ». Fils de mineur et de paysan, ce dernier parle le langage du peuple : « Ses mots ont la saveur riche et salée d’un pain de seigle encore chaud. » Il sait ce qui émeut l’homme des foules, le met en ébullition.

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À travers lui, ce sont « tous les instincts de l’Allemagne protestante » qui s’expriment. Quand il parle, « les murs résonnent, l’Église tremble, l’Univers chancelle ». Tout l’oppose à son homologue, d’aspect maladif, délicat, qui croit dans le pouvoir de l’éducation et des « humanités ». Paradoxalement, les deux critiquent les mœurs de leur temps, notamment celles du clergé, et poursuivent un même but : préparer les esprits à la Réforme. « Mais leur tempérament le veut d’une façon à ce point opposée qu’un conflit est inévitable. »

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Luther est le plus radical et voue une haine à l’irrésolution d’Érasme. Même si Zweig défend Érasme, qui incarne le sens moral, l’histoire nous montre que les idées de Luther, défenseur d’une rupture radicale avec Rome, l’emporteront, avec leur cortège d’intolérance et de violence… Qu’en sera-t-il du destin européen face au vent populiste venu d’outre-Atlantique ?


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