Eric Delbecque : “Projet d’attentat déjoué dans le Nord : la radicalisation spontanée est un mythe”

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Eric Delbecque : “Projet d’attentat déjoué dans le Nord : la radicalisation spontanée est un mythe”



















L’expert en sécurité intérieure a récemment publié : « Irresponsables. Dix ans après Charlie Hebdo » aux éditions Plon.
I.PICAREL

Point de vue

Par Éric Delbecque

Publié le

Eric Delbecque, ancien directeur sûreté de Charlie Hebdo après l’attentat de 2015, auteur de « Les Irresponsables. Dix ans après Charlie Hebdo » (Plon, 2015), réagit à l’interpellation de trois jeunes hommes, soupçonnés de préparer un attentat en rappelant les étapes de la radicalisation.

Trois jeunes hommes, âgés de 19 à 24 ans, ont été interpellés dans le Nord de la France pour avoir préparé un attentat à la ceinture explosive, inspiré des kamikazes du Bataclan. Le trio a été mis en examen, deux membres écroués, et le troisième placé sous contrôle judiciaire. Bien qu’ils aient été arrêtés en raison de l’alerte donnée par un proche, leur projet, qui visait notamment des lieux publics tels qu’un foyer pour jeunes ou un établissement lié à la communauté juive, ne constitue pas un acte d’autoradicalisation express résultant exclusivement du visionnage de vidéos de propagande djihadiste sur les réseaux sociaux…

En effet, l’un des suspects, Morad M., était déjà connu des services de renseignement depuis 2018 pour avoir proféré des menaces contre Mila, et pour sa propagande djihadiste en ligne. Ce profil confirme qu’il a été l’objet d’une radicalisation préalable, façonnée par des influences externes et des acteurs de l’environnement proche, et non qu’il symbolise seulement une volonté de passage à l’acte imprévisible, fruit d’une hasardeuse focalisation spontanée sur des contenus violents et islamistes glanés çà et là sur des chaînes Telegram ou des vecteurs numériques d’endoctrinement.

Ambiance de séparatisme

Morad M. avait posté sur Snapchat des messages violents, appelant à « noyer dans le sang les mécréants » et relayant des vidéos glorifiant des auteurs d’attentats, notamment Khamzat Azimov, auteur d’une attaque au couteau à Paris en 2018. Le trio avait commencé à fabriquer une ceinture explosive, avec des tests utilisant des pétards et des ingrédients pour créer du TATP, un explosif prisé par les djihadistes. Cette démarche s’inscrit dans une série de tentatives similaires, illustrant que la radicalisation djihadiste s’appuie sur des mécanismes d’influence construits sur plusieurs années, certes alimentés par la propagande d’organisations comme Daech, mais qui requiert un adossement dans le monde « réel », physique.

Ces jeunes gens ont baigné d’une manière ou d’une autre dans un bain de radicalité qui les a préparés à l’idée du basculement dans la violence. Une ambiance de séparatisme, d’une manière ou d’une autre, a conditionné leur évolution psychologique et intellectuelle, les préparant à absorber une idéologie radicale. Il existe toujours une dynamique prosélyte à la base de l’endoctrinement, a fortiori sur les plus jeunes.

À LIRE AUSSI : Comment les attaques du 7 octobre ont dopé Daech en Syrie

Le ou les prosélyte(s) incarne(nt) le processus de la radicalisation, de l’enfermement idéologique à tonalité sectaire. Il agit en « combattant » d’un courant islamiste planétaire, incarné de façon circonstancielle par tel ou tel drapeau, Al-Qaida ou l’État islamique, et se donne pour mission d’embrigader et de recruter. Chaque jeune qui sombre dans la violence terroriste succombe à la mécanique radicale, à savoir l’inscription dans le chaînage mental en trois phases, conduisant de la première phase de l’endoctrinement islamiste (l’adhésion fanatique et étanche à un système idéologique clos, liberticide, totalitaire et complotiste) à la troisième, le basculement dans la violence (comme acteur, soutien actif ou carrément leader) via le deuxième, la diabolisation de l’adversaire (la réduction manichéenne de l’Autre au Mal, lui-même et les siens personnifiant le Bien).

Il parcourt ainsi toujours – de manière plus ou moins rapide – l’intégralité des étapes doctrinales, existentielles et opérationnelles l’encapsulant dans un monde implacablement binaire dans lequel la seule issue imaginable revient à l’extermination de l’Ennemi, figure patiemment et haineusement érigée en statue de Satan, bien que de manière fallacieusement rationnelle, et en révélant une virtuosité incontestable dans l’art de la manipulation conceptuelle, psychologique et médiatique. Arrêtons donc de croire dans les générations spontanées du djihadisme…

D’un point de vue plus opérationnel, ce qui attire ici l’attention, c’est le retour du risque d’un attentat massif conduit par des jeunes gens « inexpérimentés » : il ne s’agit plus d’une attaque au couteau, avec tournevis et marteau, mais du recours éventuel à des explosifs, en l’occurrence une ceinture explosive. Comme si les cas du passé se métissaient dans des esprits de plus en plus jeunes, précocement disposés par la mécanique séparatiste à mettre en pratique sauvagement les fondamentaux du projet totalitaire islamiste.


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