Étienne Klein livre dans « Transports physiques » (Gallimard) une réflexion sur la naissance de la physique moderne, l’identité humaine, le rôle du cerveau dans notre compréhension du monde, ainsi que sur les bouleversements générés par la démocratisation de l’IA. Le fil conducteur de ses réflexions est le paradoxe de notre esprit humain, responsable tant de notre enracinement que de notre émancipation hors de notre condition terrestre.
Étienne Klein publie Transports physiques (Gallimard) où il s’interroge sur la téléportation exigée par la physique moderne pour comprendre notre monde, si particulier à l’échelle de l’univers. Ce voyage hors de nos limites sensibles étant rendu possible par notre cerveau, source de nos illusions comme de notre affranchissement à leur égard. De quelle manière l’intelligence artificielle vient-elle bouleverser ces limites ?
Marianne : Vous dites que la physique moderne s’apparente à un « art d’aller se faire voir ailleurs ». Pourriez-vous revenir sur ce paradoxe ?
Étienne Klein : La physique accède à des objets qui échappent à notre perception grâce à une alliance très spéciale entre le corps et l’esprit. La grande question est de savoir comment on a pu accéder à ce monde invisible. La physique contredit notre lecture intuitive des phénomènes et les lois qu’on déduit trop rapidement de leur simple spectacle. L’électrochoc pour moi a été un dîner avec le chef d’orchestre Alain Altinoglu. Il m’a raconté que Maurice Ravel, un soir qu’il dirigeait un orchestre jouant ses œuvres, s’était tout d’un coup immobilisé : il avait entendu à l’intérieur de lui-même une autre interprétation possible du morceau que celle que jouaient les musiciens. N’est-ce pas l’image de notre condition humaine ?