Quand une fissure apparaît sur un bâtiment ou sur un ouvrage d’art, une surveillance s’impose. L’état de l’art prévoit des mesures à intervalles réguliers. La qualité de ces mesures conditionne d’éventuels travaux de consolidation. Jean-Christophe Habot, ingénieur spécialisé dans l’étude des structure, s’est intéressé à ces outils de surveillance.
Ancien directeur d’agence dans un groupe d’ingénierie, il a créé la société Feelbat en 2020 pour commercialiser son invention : une solution de surveillance plug-and-play. « Nous avons mis au point un détecteur de petit format qui se positionne sur une fissure et transmet les informations à distance. Les données affluent en temps réel sur un smartphone. Il s’agit de monitorer les bâtiments avant qu’ils ne s’effondrent », rappelle Jean-Christophe Habot.
Feelbat vante la facilité d’utilisation de son détecteur de fissures connecté. « Les capteurs proposés par la concurrence nécessitent l’utilisation d’un PC. Leur pose est complexe et les coûts d’utilisation sont élevés. Nous offrons au contraire une solution qui se pose en trois secondes. Vous collez le capteur, vous prenez votre téléphone et vous connectez le capteur en quelques clics, aussi facilement que vous connecteriez une enceinte bluetooth », détaille Jean-Christophe Habot.
Deux levées de fonds en deux ans
Après une première levée de fonds (1,5 millions d’euros) en 2023, soutenue par Bpifrance, Feelbat a pu connaître une montée en puissance industrielle rapide. « Contrairement à beaucoup de start-up, nous sommes allés très vite. En quinze mois, le produit était prêt », rapporte Jean-Christophe Habot, qui envisage cette année de renforcer sa puissance de frappe commerciale.
Avec 4 000 capteurs vendus à 400 clients, Feelbat a posé les premiers jalons en France et en Belgique. Elle envisage de poursuivre sa croissance internationale en Espagne et en Italie.
« Nous préparons une levée de fonds de 3,5 millions d’euros en 2025. Nous ciblons des investisseurs français spécialistes de la proptech, de l’assurance, de la construction », annonce Jean-Christophe Habot. Les fonds permettront de structurer l’offensive à l’export. Les équipes techniques (cinq développeurs) et le siège social resteront positionnés à Saint-Denis, à La Réunion. L’activité commerciale et l’assemblage ont été établis historiquement à Montpellier.
Massifier l’IoT
« On nous associe parfois à la sismologie, mais ce n’est pas notre domaine initial », rappelle Jean-Christophe Habot. « Le changement climatique fait que les bâtiments et les ouvrages d’art vont bouger. Nos capteurs mesurent des micro-vibrations, on détecte des phénomènes physico-chimiques et des problèmes structurels mécaniques. La massification de l’internet des objets, c’est la meilleure solution pour maîtriser les risques », promet Jean-Christophe Habot.
La solution s’adapte aussi à des verrières, où elle permet de suivre la dilatation, la luminosité, la température et le déplacement. Dans sa version la plus récente, le détecteur de petit format (huit centimètres de long, quatre centimètres de large) intègre aussi la mesure de l’humidité par sonde piézométrique. Les applications comprennent à la mesure en sites naturels, comme au Maïdo ou sur le site du Trou de Fer sur l’île de La Réunion, mais aussi à la surveillance de talus ferroviaires.
« Je suis un inventeur depuis tout petit. Les effondrements survenus en 2018 dans la rue d’Aubagne à Marseille, qui ont fait huit morts, m’ont beaucoup touché. C’était le quartier de mon enfance », se souvient Jean-Christophe Habot. « Il y avait un manque criant de simplicité et d’efficacité dans les outils de surveillance », estime le jeune dirigeant.
Une croissance rapide espérée en 2026
Avec 720.000 euros de chiffre d’affaires en 2024, Feelbat (17 salariés) n’a pas encore atteint sa vitesse de croisière. Après la levée de fonds prévue cette année, et les développements à l’export à suivre, l’entreprise vise 2 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2026.
Feelbat n’a pas encore abordé le marché grand public. Un capteur spécifique est pourtant prévu. « Ce marché demande des efforts marketing très importants. L’objectif serait de créer un schéma d’achat impulsif : ma maison se fissure, j’achète un capteur. Mais il faudrait cibler un prix de vente plus abordable, autour de 150 euros », imagine Jean-Christophe Habot. Les perspectives commerciales du segment B to C demeurent en suspens.
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« Tech for Future » est le plus grand concours de start-up de France. Organisé par la rédaction de La Tribune, il est soutenu par des partenaires officiels tels que Bpifrance, Business France, BNP Paribas, Dalkia, SNCF Connect & Tech, France Digitale, Deloitte, l’INPI, le ministère des Outre-Mer, Orange ou encore BFM Business. Il se compose d’une tournée en janvier et février dans tous les territoires (11 étapes dont 8 en métropole et 3 en Outre-Mer), pour repérer les innovations qui changent le monde dans tous les domaines. Au terme de cette tournée, 51 start-up de tous les territoires ont été primées. Parmi elles, La Tribune a révélé à Paris, le 1er avril, les 10 innovations de l’année 2025. Après sa victoire lors de la sélection dans l’océan Indien (La Réunion, Mayotte), Feelbat gagne le prix Outre-Mer de Tech for Future 2025.
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Olivier Mirguet