Les joueurs de l’OL comme les supporters sont rentrés sonnés de Manchester United, après l’élimination cruelle en prolongation du quart de finale de Ligue Europa jeudi soir (5-4). Des choix de Paulo Fonseca à l’irrationnalité, on tente de trouver un chemin d’explication. Sans succès pour l’instant.
La question pourrait servir de sujet de philosophie du bac en juin, mais les Lyonnais ont décidé d’anticiper le calendrier scolaire pour se la poser dès cette mi-avril: “Peut-on tout expliquer?” Et rajeunissent un peu (beaucoup) supporters et suiveurs car ce scénario – et l’abîme de perplexité qu’il commande – leur rappelle le fameux “penalty sur Nilmar en 2005” ou la triste fin de l’AC Milan un an plus tard. C’était déjà en avril, quand les quarts de finale européens stoppaient là aussi les illusions lyonnaises.
Tentez de prendre la température de l’humeur de l’après-match et vous vous exposez à ce type de réponse: “T’en as de bonnes toi, tu peux imaginer…” Effectivement on peut l’imaginer, entre abattement, silence, incompréhension et stupéfaction. “On entendait les mouches volés”, image un membre du staff, des vestiaires à Old Trafford à la salle d’embarquement de l’aéroport, jusqu’à l’atterrissage à Lyon peu avant 4 heures du matin.
Cette humeur (maussade), le défenseur central
Autre joueur venu en zone mixte, Corentin Tolisso: “Franchement je ne vous cache pas que ça fait vraiment mal à la tête. Quand tu mènes 4-2 à sept minutes de la fin, tu te vois déjà en demi-finale et finalement, tu es éliminé. Cela donne encore plus de regrets.”
Regrets éternels et mots rares
Leur (très peu nombreux) mots sur les (beaucoup trop de) maux du moments reflètent aussi l’impossibilité pour tout un staff d’apporter une explication rationnelle: “Je n’ai rien à dire”, répète les plus proches acteurs de cet après-match qu’ils avaient peut-être tous anticipé en voyant les ponts des 1er et 8 mai (dates des demi-finales) travaillés. John Textor, au moins aussi abattu que le reste de la délégation, a tenté par quelques mots de remobiliser tout le monde. Le coach Paulo Fonseca a lui aussi parlé. Sûrement sur le même thème.
Une délégation qui pensait que la malédiction de l’arbitre suisse Sandro Shärer, qui avait déjà croisé l’OL le 14 avril 2022 au Groupama Stadium, était passée. Ce soir-là, les Lyonnais avait été battus sèchement par les Anglais (0-3) , déjà en quart de finale de Ligue Europa.
A la 109ème minute, la transformation du penalty d’Alexandre Lacazette plaçait les siens largement en tête. A la 120e+3, le “Fergie Time” avait frappé, peut-être un brin aidé par le penalty, qui “peut aussi ne pas se siffler”, note un proche du groupe. “Les détails n’ont pas été de notre côté”, plaide un autre membre du staff, comme le deuxième jaune à Corentin Tolisso à la 88e minute. Le diable se niche dans le détail. Et le problème, c’est que dans la niche, il y avait un chien (mancunien) qui a mordu très fort.
Heureusement, il y a le 126e derby qui approche. Mais curieusement, dans cet après-match spécial, il n’en était pas trop question: difficile de tout mélanger et déjà de se projeter, les jambes encore coupées par les “événements”.
Paul Akouokou, un caillou dans la chaussure de Fonseca?
Mais forcément, pas question d’inclure uniquement l’homme en jaune dans cette soirée irréelle, car les choix de Paulo Fonseca vont faire parler. Et si c’était son premier accroc de taille – événements de Lyon–Brest exceptés – dans son aventure lyonnaise débutée le 31 janvier dernier sur fond d’état de grâce, dessiné par la remontée au classement – à deux points de la deuxième place et un point du podium – et ces ratios de succès (neuf victoires, un nul et trois défaites en 13 matchs) qui le font tutoyer la légende Gérard Houllier.
“Je ne sais pas lire ce match”, répond un habitué du centre d’entraînement de Décines. “Il y a du courage des joueurs, de l’honneur, de l’envie, des manques. Mais, bon, il faut parler de la titularisation de Paul Akouokou…” Et donc, en creux, souligner l’absence de Nemanja Matic, au coup d’envoi mais aussi dans le coaching à Lyon il y a une semaine et jeudi soir à Manchester: “Il aurait été si précieux par son expérience dans cette fin de match, il aurait été un guide fabuleux au milieu de la tourmente”, ajoute la même source.
Paul Akouokou, le “mystère” lyonnais depuis son arrivée dans les derniers instants du mercato de l’été 2023, quand Laurent Blanc veut une sentinelle. Il aura connu sa dernière titularisation avant ce double affrontement, le 6 décembre 2023, presque 18 mois avant! “A vouloir exister en tant que coach, il a fait n’importe quoi”, s’emporte un supporter avisé. “Et il te fait perdre le match.”
Sur l’échelle des déceptions, “je ne sais pas sur quel curseur la mettre”, souffle un supporter, qui n’a pas hésité à prendre la voiture pour rallier Lyon au nord de l’Angleterre en passant par le Ferry à Calais. Près de 18 heures à l’aller et pas moins de 20 au retour. Peut-on encore aimer le foot après cela? Mais “oui” répondra à chaud, gentleman, élégant et froid, Corentin Toliss : “Oui, d’un côté, il est cruel, pour nous. Pour eux, il est beau. J’aurais préféré être du leur ce soir…”
Il s’est donc passé quelque chose à Old Trafford. Mais quoi? Même de longues heures (souvent blanches) après, la caravane OL rentrée en avion – directement pour les joueurs jusqu’au train et l’avion avec des escales un peu partout dans le nord de l’Europe pour l’essentiel des 2.652 supporters lyonnais – n’a toujours pas compris ce qui lui est arrivé.
Comprendront-ils un jour? Pas sûr, mais cette soirée du 17 avril 2025 rejoint assurément celles du penalty sur Nilmar au Philips Stadium d’avril 2005 ou de la fin cruelle en 2006 à San Siro devant le Milan. Vingt ans après, on en parle encore. C’est donc parti pour (au moins) vingt ans à chercher, le pourquoi du comment d’une soirée irréelle. Largement le temps de trouver de quoi remplir le sujet de philo: “Peut-on tout expliquer?”