Dans le tumulte habituellement incessant du port de Los Angeles, un silence inhabituel s’est installé. Les grues, d’ordinaire en mouvement perpétuel pour décharger les conteneurs venus d’Asie, sont presque à l’arrêt. Ce ralentissement brutal, conséquence directe de la guerre commerciale lancée par Donald Trump, sonne comme un avertissement pour l’économie américaine. « On pourrait entendre une mouche voler, c’est vraiment inhabituel », confie Gene Seroka, le directeur du port, témoignant de l’ampleur du choc.
Avec son voisin, le port de Long Beach, ce complexe portuaire constitue la principale porte d’entrée des produits chinois aux États-Unis. Il se retrouve ainsi en première ligne d’une crise qui menace de bouleverser le quotidien des Américains. Les conteneurs, désormais bloqués, renferment des milliers de biens de consommation courante, des meubles aux jouets, en passant par les vêtements, qui devraient normalement alimenter les rayons des magasins.
Une chute vertigineuse des importations
Les chiffres sont alarmants : pour la semaine du 4 mai, le port de Los Angeles prévoit une baisse de 35 % des livraisons par rapport à l’année précédente. À Long Beach, la chute des importations pour le mois de mai est estimée à 30 %. Les annulations de navires se multiplient, témoignant de la paralysie du commerce.
« De nombreux détaillants et fabricants ont appuyé sur le bouton pause et suspendu toutes les cargaisons venues de Chine », explique Gene Seroka. La raison ? Les droits de douane de 145 % imposés par Donald Trump, qui ont plus que doublé le coût des produits chinois. Au-delà de la Chine, les droits de douane de 10 % sur les produits provenant de dizaines d’autres pays commencent également à se faire sentir. « La baisse des importations n’est pas seulement un problème qui touche la côte Ouest », a averti Mario Cordero, directeur du port de Long Beach. « Cela affecte tous les ports, qu’ils se trouvent sur la côte Est ou dans le Golfe. »
Des rayons de magasins menacés de pénurie
Au début de l’année, les ports de Long Beach et Los Angeles avaient connu une activité intense, les entreprises américaines s’étant précipitées pour constituer des stocks avant l’entrée en vigueur des droits de douane. Mais ces réserves vont-elles suffire à tenir ? « Les magasins ne devraient pas être en rupture de stocks avant le troisième trimestre, à moins qu’un phénomène d’achats panique ne s’empare des consommateurs d’ici-là », estime le cabinet Pantheon Macroeconomics. Gene Seroka, quant à lui, prévoit que les stocks de nombreux commerçants seront épuisés dans « cinq à sept semaines ».
Les conséquences pour les consommateurs sont évidentes : « moins de choix et des prix plus chers », notamment pour la mode estivale et les fournitures scolaires. « Le consommateur américain va être directement frappé au portefeuille », souligne Gene Seroka.
La colère des travailleurs de la logistique
Pour Antonio Montalbo, patron d’une petite entreprise de transport routier et l’un des 900 000 travailleurs du secteur de la logistique en Californie du Sud, la situation est déjà critique. Le coût des pièces détachées, fabriquées en Chine, a explosé, et la baisse des cargaisons menace son activité. « Donald Trump a créé un environnement hostile au port », déplore-t-il, exprimant sa « colère » contre un président « qui se fiche du monde et de la classe ouvrière ».
L’entrepreneur, qui avait voté pour le milliardaire républicain en novembre, se sent trahi. « Nous allons devoir licencier certains de nos employés bientôt (…) si les droits de douane ne sont pas supprimés, soupire-t-il. Maintenant, nous avons quelque chose de pire que l’inflation. Ce sont les droits de douane. »
(Avec AFP)
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