Infiltration illégale de “Fakir” pour le compte de Bernard Arnault : quatre ans dont deux ferme pour Squarcini

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Infiltration illégale de “Fakir” pour le compte de Bernard Arnault : quatre ans dont deux ferme pour Squarcini




















Bernard Squarcini, à droite.
JULIEN DE ROSA/AFP

Merci Patron !

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Bernard Squarcini écope de 4 ans de prison dont deux ferme sous bracelet pour notamment avoir orchestré l’espionnage illégal de François Ruffin et de Fakir, en marge de la sortie du film « Merci Patron ! » Il fait appel. De son côté, Ruffin ne désarme pas et attaque Bernard Arnault au civil.

Ils sont six hommes alignés devant le tribunal correctionnel, à faire face au juge Benjamin Blanchet qui lit son jugement. Dans cette affaire à tiroirs, le volet principal concerne l’espionnage dont a été la cible François Ruffin et son journal Fakir en marge du tournage du film « Merci Patron ! ». Le député de la Somme est dans la salle, attentif. Les peines claquent d’autant plus fortes que lors de l’audience, le procureur avait requis des peines avec sursis. « Quatre ans comme vous voulez », avait-il dit à l’encontre de Bernard Squarcini, l’ancien patron du renseignement intérieur, reconverti dans le privé comme super détective du groupe LVMH.

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Ce vendredi 7 mars, « le Squale » écoute le jugement sans broncher. Ses deux avocats, Me Marie-Alix Canu-Bernard et Patrick Maisonneuve, ne voient pas son visage, mais devinent son inquiétude monter de minute en minute. La phrase clé recensant toutes les infractions est longue et la lecture monocorde de Benjamin Blanchet n’arrange rien : « M. Bernard Squarcini, alors directeur des services actifs de la police nationale, a délibérément méconnu les règles de la procédure pénale et notamment son devoir d’information du procureur de la République, détourné les moyens de l’État afin de satisfaire les préoccupations clandestines du représentant d’une personne morale de droit privé, porté atteinte au secret des correspondances d’un fonctionnaire de police à l’encontre duquel il nourrissait un sentiment de rancœur personnelle ainsi que, devenu ancien préfet et ancien directeur central du renseignement intérieur, conçu et validé un système de surveillance étroite de l’activité et des membres d’une association dont l’existence était parfaitement légale, sollicité et bénéficié de la violation du secret professionnel, du secret de l’enquête et du secret de l’instruction, compromis le secret de la défense nationale et détourné à nouveau les moyens de l’État pour favoriser ses intérêts propres…»

Le magistrat reprend son souffle avant d’annoncer à l’encontre de l’ancien préfet le quantum de la peine infligée : quatre ans de prison dont deux avec sursis et 200 000 euros d’amende. Les deux ans ferme seront exécutés dans le cadre d’une surveillance à domicile, ajoute le magistrat. « La gravité des infractions commises et la personnalité de leur auteur lequel, instruit d’une précédente condamnation pénale, a délibérément choisi d’enfreindre la loi dans un dessein lucratif rendent cette peine nécessaire et toute autre sanction pénale manifestement inadéquate », poursuit le juge.

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Pendant 5 ans, Bernard Squarcini écope aussi d’une peine complémentaire d’interdiction d’exercer toute activité professionnelle en matière de renseignement, surveillance, conseil et intelligence économique. A ses côtés, Hervé Séveno, ancien policier reconverti dans le renseignement, est condamné à trois ans de prison dont un an ferme, également sous bracelet. Même tarif pour Jean-Charles Brisard, lui aussi à la tête d’une officine de renseignement. Les deux hommes sont interdits eux aussi de toute activité de renseignement pendant 5 ans. Ils sont jugés coupables d’avoir téléguidé une opération d’infiltration illégale de Fakir, en recrutant une « taupe », Albert Farhat, dans le but de collecter des informations tant sur les personnalités de l’association que sur leurs opinions politiques. Albert Farhat est condamné à deux ans de prison dont six mois ferme sous bracelet.

De « l’infiltration »

Le jugement de 261 pages démonte toute l’opération d’infiltration, déclenchée en mars 2013 par un appel de la secrétaire personnelle de Bernard Arnault, Karine B., à Bernard Squarcini l’informant d’une « inquiétude » de son patron concernant l’association Fakir. Puis le lendemain, le bras droit du président de LVMH, Pierre Godet, suggère à Squarcini « d’infiltrer » le journal. Les deux hommes l’ignorent, mais ils sont alors sur écoute… Dans la foulée, Hervé Séveno alerte Squarcini au sujet de Fakir : « Ils vous ont ciblés, mais sache que nous on les a infiltrés. » « Ah bien voilà, ça, ça m’intéresse alors », commente l’ancien patron de la DCRI. Jean-Charles Brisard, en cascade, pilote une puis deux taupes et organise la collecte de photos, adresses, renseignements divers, avec pour objectif ultime, dénicher la copie du film « Merci patron ! » qui fait trembler le patron du géant du luxe.

A la barre, durant le procès, les quatre hommes ont défendu l’idée qu’ils n’agissaient qu’en « source ouverte ». « Le tribunal juge ici que l’emploi récurrent des termes « infiltrer » et « infiltré » par des individus rompus aux techniques de renseignement apporte un éclairage décisif quant à la nature et l’objet de l’accord de volontés conclus entre MM. Squarcini, Seveno et Brisard. Il fait alors sienne la définition du verbe « infiltrer » présente dans le dictionnaire de l’Académie française à savoir « faire pénétrer clandestinement », l’infiltration étant quant à elle définie comme la « pénétration d’éléments étrangers dans un lieu, dans un groupe, qui se fait généralement de manière clandestine ».

Squarcini fait appel

Par conséquent, les quatre sont condamnés pour le délit de « collecte de données à caractère personnel par un moyen frauduleux, déloyal ou illicite ». Le 5e homme poursuivi dans ce volet, Laurent Marcadier, directeur juridique de LVMH est pour sa part relaxé, faute d’éléments mettant en cause sa participation à l’opération illégale. C’est bien le seul, en sortant, à afficher un large sourire.

Les quatre condamnés (Bernard Squarcini a aussitôt annoncé son intention de faire appel) devront en outre verser des dommages et intérêts à François Ruffin et l’association Fakir, à hauteur de 1 euro pour le premier et 18 000 euros pour le journal au titre du préjudice moral. Ils sont aussi condamnés in solidum à leur verser 15 000 euros chacun pour frais de justice.

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A la sortie de l’audience, le député de la Somme déplore une nouvelle fois l’absence de Bernard Arnault sur le banc des prévenus, suite à une convention judiciaire d’intérêt public s’étant soldée par le versement par LVMH d’un chèque d’amende de 10 millions d’euros. « Ce jugement démontre la collusion entre la première fortune de France et le 1er flic de France pour m’espionner ainsi que le petit journal Fakir ! A présent inutile d’employer le conditionnel, l’infiltration et l’espionnage ont eu lieu, et le tribunal constate une atteinte grave à la liberté de la presse et à ma vie privée », résume-t-il. En parallèle, François Ruffin a attaqué la première fortune française au civil. Une audience a lieu mardi prochain. Bernard Arnault et lui ont également prévu de se voir, dans un premier temps pour un café au siège de LVMH, à l’invitation du PDG. François Ruffin ne désespère pas de lui rendre l’invitation dans une friterie de Flixecourt. Sur les terres où se trouvaient autrefois les usines du géant du textile Boussac que Bernard Arnault avait prévu de sauver… et qui ont fait sa fortune. Pas gagné qu’il s’y rend un jour…


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