L’enseigne avait prévenu dès les premières reprises de magasins à Casino, il y a 18 mois. Dans le « package » des 300 établissements, passés ces derniers mois sous enseigne Intermarché, un certain nombre seraient difficiles à exploiter et à ramener à un niveau de rentabilité suffisant. De fait, 30 établissements n’avaient pu trouver preneur, faute d’adhérent du Groupement les Mousquetaires (ou de nouvel adhérent) intéressé.
Jusqu’ici, les 30 établissements en question (situés un peu partout en France) étaient donc « portés », c’est-à-dire gérés opérationnellement par des adhérents, pour le compte du groupement sans qu’ils leur appartiennent. Il y a encore quelques semaines, Intermarché indiquait être pleinement « mobilisé pour soutenir l’ensemble des magasins et trouver les meilleures solutions pour redresser la barre ». Le groupement expliquait alors – fin février -, qu’il était encore trop tôt pour en tirer des décisions définitives.
Le temps semble donc désormais venu d’annoncer clairement les mauvaises nouvelles. 28 magasins sans « Mousquetaire » à leur tête (Millau, Les Pennes-Mirabeau, La Riche, Metz, Perpignan, Méaux, Niort, Epinal etc), employant 680 salariés, vont fermer leurs portes.
Deux, à Lyon et à Boissy-Saint-Léger, avaient déjà baissé le rideau, respectivement en avril et mai 2024.
« Des magasins commercialement inexploitables »
Pour Intermarché, ces magasins apparaissent comme « commercialement inexploitables, en raison d’un manque d’investissements trop important ces dernières années, de taux de charge trop élevés par rapport à la réalité économique du marché et d’une politique commerciale inadaptée, ayant eu pour conséquence de fidéliser les clients vers d’autres enseignes concurrentes ».
Le distributeur pointe par ailleurs des loyers décorrélés des prix du marché, malgré des négociations menées avec les bailleurs.
« Alors que la très grande majorité des points de vente connaissent un accroissement de leur activité, la situation économique propre à ce nombre limité de magasins rend impossible l’atteinte de tout équilibre financier, susceptible de permettre leur exploitation par des chefs d’entreprise indépendants, mais également par la concurrence qui, à ce stade, a décliné les différentes propositions ».
En clair, les murs seront cédés mais l’activité en elle-même, et donc les salariés, ne trouveront très probablement pas de repreneur. « A ce jour, malgré nos efforts, aucune enseigne concurrente ne s’est montrée intéressée par ces points de vente. Nous allons continuer de chercher jusqu’à la fermeture, mais les chances sont faibles », confirme un porte-parole du groupement.
Des négociations magasin par magasin
Après les CSE très récents, magasin par magasin, puisque chaque établissement du réseau Intermarché est indépendant, les négociations vont désormais être enclenchées avec les représentants des salariés. « Plusieurs centaines de postes seront ouverts pour du reclassement. Pour les salariés qui ne pourront pas être reclassés, les conditions de départ vont désormais être discutées », explique le porte-parole d’Intermarché, insistant sur la dynamique du réseau avec 10 000 emplois sauvés avec la reprise des magasins Casino et 1 500 créés, dans ce périmètre, depuis cette opération.
Selon nos informations, ces négociations devraient démarrer sur la base du PSE de Casino, et donc, a minima s’aligner sur les conditions de départ appliquées par Casino afin que les collaborateurs concernés, ces ex-Casino devenus Intermarché, ne se trouvent pas désavantagés par rapport à leurs ex-collègues licenciés directement par Casino ces derniers mois.
Malgré tout, pour les salariés, c’est la douche froide. Après avoir connu ce changement d’enseigne et avoir dû s’adapter à de nouvelles méthodes de travail, ils se retrouvent de nouveau dans la tourmente.
« C’est l’effroi le plus total. Beaucoup d’entre nous avions beaucoup d’ancienneté chez Casino, nous étions très attachés à notre entreprise. Nous avons déjà dû faire face à un premier choc, et voilà que 700 personnes vont voir leur emploi supprimé. C’est inadmissible. Si ces magasins étaient en si mauvaise santé, pourquoi Casino et Intermarché ont-ils conclu un tel marché ? Pourquoi ne pas les avoir fermés directement, et éviter ainsi aux salariés ces mois d’incertitude et ces nouvelles négociations », s’emporte Carole Lamier, coordinatrice des ex-Casino pour le syndicat Unsa.
Même colère chez Delphine Bruni, son alter ego pour la CFE-CGE.
« Ce n’est malheureusement pas une surprise et ce n’est sans doute que le début, mais c’est très difficile à vivre pour les salariés. D’autant plus que dans un certain nombre de magasins, l’ambiance est très tendue ».
Va désormais démarrer le marathon des négociations. Magasin par magasin, donc.
« Nous allons essayer de fédérer les représentants du personnel des magasins concernés pour qu’ils puissent être accompagnés et négocier de façon concertée même si, chaque établissement devra avoir son propre plan. D’ailleurs, certains, qui n’atteignent pas les seuils exigés pour la mise en œuvre d’un PSE, n’en auront pas ! ».
