“Juif bourgeois de Cour” : sur X, la charge identitaire de Gilles-William Goldnadel contre Mathias Wargon

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“Juif bourgeois de Cour” : sur X, la charge identitaire de Gilles-William Goldnadel contre Mathias Wargon





















Avocat de profession, Gilles-William Goldnadel multiplie ses outrances devant les tribunaux, mais aussi sur CNews ou encore Europe.
Magali Cohen / Hans Lucas

Attaque antirépublicaine

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Affichant son désaccord politique sur le voyage de Jordan Bardella en Israël, l’avocat franco-israélien Gilles-William Goldnadel a qualifié l’urgentiste Mathias Wargon de « juif bourgeois de Cour par excellence ». Une accusation historiquement chargée, et qui assigne le médecin à son origine.

Il y a toujours quelqu’un pour récupérer le bâton de l’antisémitisme. Cette fois, c’est l’avocat Gilles-William Goldnadel qui a choisi l’arme de l’essentialisation contre un membre de la « communauté » qui n’est, simplement, pas d’accord avec lui. Sur X, jeudi 27 mars, le Franco-israélien, qui ne cache pas sa sympathie pour le Rassemblement national – surtout depuis qu’il se présente comme le « meilleur bouclier contre l’antisémitisme » –, a qualifié le célèbre urgentiste Mathias Wargon de « juif bourgeois de Cour par excellence ». Par cette saillie, le polémiste dessine en creux sa vision : un juif se devrait d’être favorable au RN face à l’antisémitisme de gauche et à l’islamisme, sans quoi il serait un suppôt du macronisme et un idiot utile de l’islamisme. Retour sur un épisode d’assignation identitaire, qui va plus loin que l’injure antisémite.

La polémique Bardella

Twitteur compulsif, Mathias Wargon adore, entre deux patients, ferrailler contre « les extrêmes » – entendre ici la France insoumise et le Rassemblement national. Il ne pouvait évidemment pas laisser passer cette scène, impensable il y a encore quelques mois dans le parti fondé par Jean-Marie Le Pen : Jordan Bardella, président du RN, s’affichant au mémorial Yad Vashem de Jérusalem, lieu de mémoire de la Shoah, à l’invitation du gouvernement de Benyamin Netanyahou.

Ni une ni deux, le très médiatique urgentiste de Seine-Saint-Denis, dont une partie de la famille a été assassinée par les nazis, réagit : « Ça me fout littéralement la gerbe. Littéralement. La honte pour le gouvernement israélien. Il crache à la gueule de nos parents. » Dans la foulée, la mécanique antisémite s’enclenche, agrémentée d’accusations en trahison. « Wargon ne parle pas au nom des juifs, ils ne t’aiment pas… » , peut-on lire en commentaire. « Wargon est l’archétype même de la gauche caviar islamophile, il préférera mille fois voir un juif égorgé par un arabe que de serrer la main à un patriote de droite… le destin s’occupera des traîtres doublés de collabo comme lui », menace un autre internaute.

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Le lendemain, le 27 mars, Gilles-William Goldnadel jette de l’huile sur le feu antisémite, qui sévit déjà par centaines sous le tweet du médecin. Avocat franco-israélien habitué des colonnes du Figaro et des plateaux de la sphère Bolloré, il s’est notamment fait connaître par sa véhémence sur Twitter (devenu X) et par sa défense du groupe d’extrême droite Génération identitaire, dissous par Gérald Darmanin. Cette fois encore, l’attaque est personnelle et essentialisante : « Pauvre Wargon, marié à la fille Stoleru [l’ancienne ministre Emmanuelle Wargon, N.D.L.R.]. Le juif bourgeois de Cour par excellence. Qui n’a jamais rien fait de sa vie, ni pour les juifs victimes de l’islamisme ou de ce gauchisme qu’il protège, ni pour Israël agressé. Effectivement il mérite la gerbe. » Le cœur des attaques est donc le suivant : Mathias Wargon – qui ne cache pourtant pas son hostilité envers LFI – ferait le jeu des islamistes en attaquant le Rassemblement national et en ne soutenant pas le gouvernement israélien.

L’histoire du « juif de Cour »

La notion de « juif de Cour », qui n’est originellement pas péjorative, est historiquement chargée, et a été instrumentalisée dans l’histoire. Au XVIIe et XVIIIe siècle, on utilise cette expression pour qualifier un juif occupant de hautes fonctions auprès d’un seigneur du Saint-Empire romain germanique. Mais au fil des siècles, la légende noire du juif proche du pouvoir et boursouflé de richesses sur le dos des travailleurs exploités s’impose. Le juif est alors décrit comme manipulateur des puissants pour son propre intérêt. Cette instrumentalisation sera notamment reprise dans la propagande nazie, avec comme symbole Joseph Süss Oppenheimer. Financier et conseiller du duc de Wurtemberg, cet ancien collecteur d’impôts a été arrêté après la mort de son seigneur et accusé de trahison pour son action contre les privilèges du Parlement. Finalement, il meurt pendu par la régence. Deux siècles plus tard, en 1940, l’histoire du « juif Süss » est déformée et utilisée dans l’un des principaux films de propagande nazie supervisé par Joseph Goebbels lui-même.

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Si le parallèle a ses limites, Gilles-William Goldnadel utilise tout de même un stéréotype qui n’a rien de neutre. Par l’appellation de « juif de Cour », il accuse Mathias Wargon de collusion avec le pouvoir, lui se situant du côté des juifs populaires, en première ligne de la haine antisémite. Cette affaire rappelle d’ailleurs l’affaire Taha Bouhafs : l’ancien candidat LFI aux législatives avait été condamné pour « injure raciste » pour avoir qualifié la syndicaliste policière Linda Kebbab d’ « arabe de service ». Certains internautes se sont chargés de mettre en évidence ce parallèle auprès de Gilles-William Goldnadel, qui s’est empressé de rappeler à Mathias Wargon que lui aussi avait eu recours à la même méthode : en 2021, le médecin avait traité l’énarque d’origine égyptienne Jean Messiha – membre du parti d’Éric Zemmour – de « bon arabe de l’extrême droite ». Là encore, une idée sous-jacente : l’origine ethnique, ou la religion, devrait déterminer un positionnement politique, et exclure toute prise de parole dissidente par la qualification automatique de trahison.

C’est la même sommation à la solidarité identitaire qui s’abat sur les juifs en opposition avec la guerre du gouvernement Netanyahou à Gaza, ou sur les Algériens critiques du régime d’Abdelmadjid Tebboune. Un message raciste n’excuse pas une attaque antisémite, pas plus qu’être soi-même juif l’autorise. Pour des débats de fond, sur les réseaux sociaux ou ailleurs, il serait bon que chacun s’écharpe – si l’on tient vraiment à s’écharper – sur la base d’arguments, plutôt que sur l’appartenance, supposée ou réelle, à une ethnie ou à une religion. C’est, en somme, la promesse républicaine de liberté de conscience et de dépassement des déterminismes de toutes natures.


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