L’agence de notation S&P s’apprête à évaluer de nouveau la note souveraine de la France ce vendredi, alors que le pays affiche le pire déficit public de la zone euro.
En février, S&P avait déjà assorti sa note AA- d’une perspective négative, signalant une possible dégradation en l’absence d’améliorations significatives des finances publiques. Or, depuis, le gouvernement n’a pas réussi à inverser la tendance, malgré les promesses de maîtrise budgétaire.
La situation est d’autant plus préoccupante que la Cour des comptes a récemment alerté sur un risque de « crise de liquidités » pour la Sécurité sociale dès l’année prochaine, en raison d’un dérapage « hors de contrôle » de ses dépenses.
Un horizon budgétaire toujours incertain
Le Premier ministre François Bayrou a lancé un appel à « un effort à tous les Français » pour trouver les 40 milliards d’euros nécessaires l’an prochain pour l’État, la Sécurité sociale et les collectivités locales. Il a même ouvert la porte à une potentielle hausse générale de la TVA, la « TVA sociale », pour financer les dépenses sociales.
Le budget, à l’instar de celui de cette année, devrait être élaboré après de larges consultations avec les partenaires sociaux et les partis politiques, dans le but d’éviter une nouvelle censure. Cependant, les projections de la Commission européenne publiées le 19 mai peignent un tableau sombre pour la France.
Le pays est attendu avec le pire déficit public de la zone euro en 2025 et 2026, atteignant respectivement 5,6 % et 5,7 % du PIB. Ces chiffres excèdent les engagements du gouvernement, qui vise 5,4 % en 2025 et 4,6 % en 2026, pour revenir sous la barre des 3 % en 2029.
Le poids grandissant des charges d’intérêt de la dette
Selon Éric Dor, directeur des études économiques à l’Ieseg School of Management, les récentes projections de la Commission européenne « montrent l’extrême insuffisance des mesures déjà votées pour assainir les finances publiques de la France ».
Au-delà du déficit, les charges d’intérêt sur la dette sont également une source d’inquiétude majeure. Elles pourraient représenter 5,6 % des recettes fiscales en 2025, se classant ainsi comme les cinquièmes plus élevées de la zone euro, loin derrière les 2 % des Pays-Bas ou les 2,7 % de l’Allemagne, deux pays bénéficiant de la note AAA maximale.
Par ailleurs, même en excluant les charges d’intérêt, le déficit dit « primaire » de la France est estimé à 3,1 % du PIB en 2025, un chiffre supérieur à celui de tous les autres pays de la zone euro, à l’exception de la Slovaquie, tandis que le Portugal et l’Italie affichent un surplus primaire.
Quel impact en cas de dégradation de la note ?
Bien que les marchés ne manifestent pas une inquiétude excessive vis-à-vis de la dette française à l’heure actuelle, Eric Dor souligne la nécessité d’éviter des « perspectives d’emballement à la hausse du ratio de la dette publique » pour maintenir cette confiance. Sur la base d’une croissance du PIB estimée à 0,6 % cette année par la Commission (le gouvernement vise 0,7 %), le déficit primaire ne devrait pas dépasser 0,13 % du PIB pour stabiliser la dette.
Une gageure, qui explique l’anticipation d’une augmentation de la dette de 113 % du PIB en 2024 à 116 % en 2025. Une dégradation de la note par S&P ferait basculer la France dans la catégorie des A ( « qualité moyenne supérieure » ). Cela aurait des conséquences significatives, car de nombreux fonds et investisseurs institutionnels ont des règles strictes qui privilégient la catégorie double AA, ce qui pourrait entraîner une augmentation des taux de financement pour la France, selon Eric Dor.
Néanmoins, Eric Dor estime que S&P pourrait choisir de « laisser du temps » à la France, en attendant notamment les conclusions du conclave sur les retraites et la présentation du budget. Parmi les autres agences, Fitch attribue également à la France la note AA- avec perspective négative. Moody’s, qui avait déjà dégradé le pays d’un cran en décembre, la classe Aa3, équivalent de AA-, avec une perspective stable, et n’a pas actualisé cette note lors de sa revue d’avril.
(Avec agences)
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