La “gender reveal party”, ou la célébration de l’intime récupérée par le capitalisme

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La “gender reveal party”, ou la célébration de l’intime récupérée par le capitalisme






















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Dans cette forme d’institutionnalisation du bonheur, les marques rivalisent évidemment d’ingéniosité pour vous faire dépenser toujours plus.
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Un déluge de rose et de bleu… Les vidéos des « gender reveals party », censées dévoiler le sexe d’un enfant à naître, pullulent sur les réseaux sociaux. Au-delà de ces moments de bonheur partagés, le marché se frotte les mains de cette énième tendance à mettre l’intime en scène.

Êtes-vous plutôt craquage de fumigènes, explosion de ballons, course de voitures ou location d’avions ? Dans tous les cas, si vous n’habitez pas dans une grotte, vous êtes forcément tombés sur une de ces vidéos de la tendance « gender reveal party ». La « fête de dévoilement du genre », en bon français, est en réalité une sauterie organisée par de futurs parents avant la naissance de leur enfant au cours de laquelle tous les participants apprennent en même temps le sexe de l’enfant à naître. On retrouve dans ces vidéos partagées sur les réseaux sociaux peu ou prou les mêmes codes. Des parents et des invités hurlent et fondent en larmes après le déclenchement d’un dispositif plus ou moins spectaculaire qui révélera une couleur bleue, si c’est un garçon, ou rose, si c’est une fille.

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Ce phénomène venu des États-Unis – qu’on ne remerciera jamais assez pour les avancées civilisationnelles significatives qu’ils continuent à nous offrir – s’est peu à peu diffusé en Europe et dans le monde grâce aux réseaux sociaux, Instagram et TikTok en tête. Il faut dire que ces quelques secondes d’émotions capturées pour faire étalage de notre bonheur semblent avoir été paramétrées pour susciter de l’engagement sur les réseaux.

Au point que de nombreuses stars se prennent au jeu, les footballeurs en tête. En février dernier, le défenseur du Paris-Saint-Germain, Lucas Hernandez et sa fiancée Victoria Triay ont réalisé leur gender reveal party sur la pelouse du Parc des Princes, à Paris. Dans une mise en scène toujours un peu gênante (tant l’émotion ne peut être que surjouée après avoir dépensé tout ce fric), le footballeur inscrit un penalty déclenchant des fumigènes roses. Plus kitsch, tu t’appelles Neymar.

Business très lucratif

Les entreprises spécialisées dans l’organisation de ce type de fêtes peuvent remercier ces ambassadeurs de luxe… et le désir mimétique. Les boîtes en évènementiel pullulent et affichent leurs prestations sur les réseaux – à l’instar de la page Gender Reveal France et ses 10 000 abonnés sur Instagram. Dans cette forme d’institutionnalisation du bonheur, les marques rivalisent évidemment d’ingéniosité pour vous faire raquer toujours plus. Un business lucratif bien aidé par des influenceurs du quotidien, comme Angie Maman 2.0 (plus d’un million d’abonnés sur YouTube), qui filme toute sa préparation pour l’évènement, de son retard à l’échographie à la révélation finale.

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Tout en pointant le côté narcissique de ces nouveaux rituels grégaires adoptés par l’homo festivus, les moments de convivialité et de joies créés par ces moments de retrouvailles familiales ne peuvent pas être totalement méprisés. Et on ne peut que se gausser de voir Libération – la frontière est parfois ténue avec le site parodique Le Gorafi – s’émouvoir de cette « assignation de genre du fœtus avant la naissance ». Ceci étant posé, on recommandera la prudence aux nouveaux adeptes de cette célébration de l’intime récupérée par le capitalisme. Au Mexique, en 2023, un petit avion s’est écrasé dans le cadre d’une de ces fêtes, faisant un mort. Revers de l’effet surenchère induit par les réseaux : en voulant toujours aller plus loin dans un délire qui dit avoir pour objectif de célébrer la vie, certains y laissent la leur.


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